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dimanche 12 décembre 2021
jeudi 25 novembre 2021
Migrations empêchées
c’est le cargo noir de Dufy
qui ramène au rivage
toutes les migrations empêchées,
vingt sept cadavres ce 25 novembre
pour 30 km contre
une larme de ministre assassin
lundi 15 novembre 2021
Camille, ta main
à l’ami Camille Lusardi
parti ce 13 novembre
les trois sizains qui suivent, vers Gégé
ta main dans les papiers couleurs
et l’odeur d’encre de l’atelier
retrouvée dans les accords
de ta guitare ou les couleurs
de tes tableaux, quelle phrase
pourrait te redire nos bonheurs
pendant qu’à plus soif tu
réveillais les fêtes en atelier,
je lisais encore plein de livres
que ton autodidaxie a su
mettre en phrase au gré
de ta démarche de rital
pas la phrase mais le phrasé
de ta diction considérant tous
les poissons, tu plongeais
avec ta sirène dans des accents
que tout Paris ne connaît
plus sauf à goûter un bon cru
vendredi 12 novembre 2021
d'un poème de Philippe Denis (17 janvier 1947-10 novembre 2021)
d’un poème de Philippe Denis
pris aux Petits traités d’aphasie lyrique
court-circuiter la différence par
un souvenir d’enfance phrase après
phrase, mais avec la salive
de ta langue qui cherche quel
picotement dans un baiser sur
la nuque de nos oppositions
vendredi 29 octobre 2021
petit bouquet (avec Georgia O’Keeffe)
petit bouquet (avec Georgia O’Keeffe)
comme glisser dans les plis
de la lumière ou c’est le tableau
qui vient s’ouvrir avec ses
fausses symétries cette ligne
qui fuit vers quel horizon
d’un voir de plus près ce qui
s’éloigne lentement dans ton
air quelle fleur sent toute ta vie
l’organique se déploie
dans quel effeuillage
puis tout déborde comme
si les dessous n’en finis-
-saient pas de s’enfoncer
devant l’éclairage intense
des couleurs toute ta vie
dans les plis d’une fleur
combien de matières organiques
osseuses aussi bien que soyeuses
pour fondre tout dans un tableau
ta vue ta voix s’enfoncent loin
dans nos déserts nos dégradés
qui remontent à fleur de dire
le vent un tourbillon de courbes
ou encore recommencer la porte
en plein soleil vieillir la lumière
toute liquide la lumière
s’enroule c’est la volupté
des volutes d’un paysage
il fait corps dans tes bras
ou lignes arborescentes
de rides souriantes même
si des souffrances et cris
creusent l’obscur dans
ces éclats colorés je bois
ta lumière toute liquide
mercredi 1 septembre 2021
Avec Christian Dotremont, les étoiles plus étoiles
Recension parue dans Europe n° 1106-1107-1108, juin-juillet-août 2021, p. 324
Christian Dotremont, Ancienne éternité & autres textes, Nice, Éditions Unes, 2020.
Les amateurs de Christian Dotremont (1922-1979) savent que les Œuvres complètes publiées au Mercure de France avec une préface d’Yves Bonnefoy, parues en 1998 sous la houlette de Michel Sicard, même réédité en 2004, ne sont plus disponibles. Ils ont pu lire le fort dossier de la revue Europe paru en mars 2019, et voir confirmée l’importance de l’œuvre de ce grand auteur européen dont on connaît les logogrammes qu’il ne faudrait pas séparer des autres œuvres, voire même de ses nombreux écrits sur l’art, ainsi que le rappelait Stéphane Massonet qui a organisé ce même dossier.
Ce petit volume de reprises d’œuvres est vraiment bienvenu alors ! Sept en tout – ce chiffre du temps – publiées de 1940 à 1953. Le premier texte donne son titre au recueil ; il a été écrit à 17 ans et reconnu aussitôt par les surréalistes belges et français. Cet ensemble permet de (re)lire des textes qui ensemble font corps dans un lyrisme amoureux bien spécifique, dont les dédicaces aux femmes aimées orientent la lecture. Il confirme le fait que les logogrammes mieux connus de Dotremont constituent comme l’écriture vocale continuée de ces textes et du premier en particulier qui donne son titre à l’ensemble. Dans des passages de voix incessants voire inassignables, l’oralité jubilatoire de l’écriture est au poste de commande avec un rythme d’enfer qui laisse bondir la voix dans des réparties et des reprises, des vitesses et des sauts comme si la fuite rimbaldienne portait l’amour jamais là où il n’aurait dû se (re)poser pour ne cesser de « bondir » (p. 9). Mais ce ne sont pas les métaphores qui transportent chez Dotremont, ce sont les renversements, les soulèvements, les débordements de tout le langage. Sémantique et ponctuation, prosodie et énonciation, tout est « trop » avec lui : « – j’aimais les trop. – Je me disais : – "Rien n’est beau que le trop, le trop seule est aimable" – et je galopais. – Je fus trop sans, – ce vacarme de dieu qui porte à chaque doigt de chaque main mille verres d’alcool pur. » (p. 32). L’ivresse d’un dire y est toujours à l’affût du « petit peu d’invisible qui reste » (p. 34), à l’affût d’un maximum de corps dans et par le langage, « à grandes rafales de vie » (p. 41) non sans une violence à la fois reçue (« toutes ces choses qui me sont tombées sur la tête sans que je demande rien », ibid.) et relancée : « de quoi le raviver », « cet incendie » de l’amour, « l’amour à perdre cœur » (p. 45), du poème comme « cette main », « qui respire sans rien dire et [qui] enivre de souffle », comme écrivait Dotremont six ans après la disparition de « la reine des murs », Régine Raufast – on attend la publication de leur correspondance merveilleuse. Alors, le poète « [a] le temps – mais rien d’autre » ! Cette oralité puissante d’un conteur va jusqu’à écouter « la forêt » (superbe conte dédicacé en 1953 à Bente Wittenburg), qui lie et sépare les amants tout comme un logogramme, cette forêt-poème que Dotremont saura (dé)multiplier. Car, oui, « les gestes parlent » (p. 11) pour faire entendre une « ancienne éternité ». Et si Dotremont écrivait encore adolescent « – il n’y a plus d’avenir. – il n’y a plus que le râle de mes mains. » (p. 16), il nous donne longtemps après « les étoiles plus étoiles, – le soir plus soir » (p. 17) et, dans le même élan, le poème, le langage, plus poème, plus langage.
mardi 25 mai 2021
tous nos chemins sous la terre
tout un dit de l’insurrection
qui devient ma phrase rêvée
surgissant comme ton dire
sans le dire, ample utopie
d’une Louise Michel avec
tous nos chemins sous la terre
dimanche 9 mai 2021
les fibres de l'estran
tu aimes les lavis de Manessier
sur les sables du Crotoy, ici
les fibres tressées de l’estran
me font souhaiter t’offrir
une phrase tellement pleine
de toutes tes alluvions
(variante :)
une phrase dont la peau
suivrait tes lignes de vie
dimanche 18 avril 2021
les tamaris
quand tu les photographies,
c’est que les tamaris jettent
tout ton air dans la clarté
du blanc de leurs fleurs cachées
dans l’éclat de leurs chatons roses
jeudi 15 avril 2021
Bernard Noël (1930-2021) : enfin ta voix
Serge Ritman avec Claire ces onzains avec les onze lettres du nom (Bernard Noël)
après lire une dernière lettre de Bernard Noël datée du 3 avril qui avait reçu mon livre dans ta voix, tous les visages disent je
aussi en amitié avec Eliane Kirchner
comment dire enfin ta voix
le livre de l'oubli la nuit les rêves
un mauvais départ comme
tout piédestal t'énerve
en oubliant que les yeux
bougent un travail
se finit avec d'autres fins
que la tienne au plus vif
et tu cherches à voir isoler
derrière dans ton dos de face
la pensée qui vole dans l'air
rien contre tes dents devant
pour voler dans l'air un
silence comme bulle pleine
de douce lumière paisible
et ce nom serré entre tes
lèvres la morte immortelle
tu es avec une souveraineté
ma clarté avec tout le fond
obscur de savoir si proche
où des fins vivent sans relire
dans un petit cimetière
avec tout le mouvement qui
porte la mémoire de l'oubli
ta préface d'une vie entière
et ta mythologie de l'arbre
de vie les humains réunis
toute une culture la divine
commune ton nom rien
qu'épisodique pour continuer
l'oubli des extraits du corps
dans tous tes titres bardés
d'un silence à couper au cou
-teau dans ton pays créé et
quitté pour d'autres habitants
les migrants du livre des jours
et les traces à contempler presque
rien des ombres ou ta main
qui se retranche puis s'en va
dans ton écriture pleine d'obscur
où la lumière éclate dans ses
silences ils ont maintenant
tout le temps de t'écouter
avec tout ce qui vient crever
nos yeux comme si le nombre
infini tombait juste dans tes
lettres une constellation
tes poèmes Bernard Noël
dans l'oralité d'une chaleur
avec ce conditionnel des essais
de dire l'interminable du désir
et des relations à la recherche
de la vérité en dépit de sa
finitude une pluralité de
ton devenir enfin nous ta voix
mercredi 17 mars 2021
phrase reine
ce matin partout rhizome
dans un arc-en-ciel
d’irisation, quelle phrase
reine viendra alors
lundi 15 mars 2021
droits sur barricade
ces hommes droits sur barricade
tenant tête aux bourgeois qui
les reconnaissent encore fait
une phrase, elle m’arrête si je
te prends en photographie
lisant DES IMAGES COMMUNES
paru dans lundimatin#279, le 14 mars 2021
vendredi 12 mars 2021
Rosa Luxemburg née le 5 mars 1871 : utopie d'entrevoir une vague solidaire
si c’est le banc qui face à
l’océan nous tient le regard
vers quelle utopie d’entrevoir
une vague solidaire,
alors cette phrase l’inquiète
d’un battement de silence
mercredi 10 mars 2021
tu pousses la romance (à Yann Miralles)
à Yann Miralles
si tu pousses la romance
elle te donne étrangetés
comme excès trop simples
dans ma phrase, un racontage
chantonné vite sans paroles
m’accorde à ta rime catalane
(reprise première :)
tes résumés de romans
et ces misères de ma vie
entrent en correspondance
jusque dans ce bout de phrase
qui se répète en dictions
confuses, relation à la longue
(reprise seconde :)
de ta romance, et sous la phrase
un air que je ne m’explique
pas comme un ressouvenir
pour renouveler le vers
sublime et modeste de ta voix
ce pommier du Japon
je ferais du cidre avec
ce pommier du Japon ou bien
mon rouge-gorge piétinerait
sa syntaxe d’un coup de glotte,
dans ta traduction ma phrase
comme un poème vécu s’envole
lundi 8 mars 2021
Cédric Demangeot
tes vies en vers pour
combien de saisons et
cargaisons de sale temps
mettent en inquiétude toute
ma phrase, désormais contredite
par ton sabotage de frère
dimanche 7 mars 2021
sur chaise bancale
à Dominique Rabaté
chez cet ami d’Apollinaire*,
sans le tableau de Friesz
je n’aurais jamais deviné
cet affront sur chaise bancale
au point de donner le vertige
aux tons ardents de ma phrase
*Fernand Fleuret
https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cqG7nBM
l'ami du Japon
c’était bien un prunier ce rose
éclatant au matin dans la tourne
de ma phrase, disais-tu pendant
que l’ami du Japon transformait
le pur dans un concret caco-
mardi 2 mars 2021
vitesse des gravelots
sur l’estran comme une danse
phrasée à même le miroir
d’un ciel immense, ma phrase
aura-t-elle le même élan
véloce pour te retrouver ?
lundi 1 mars 2021
ta phrase zinzinule
le phrasé répétitif des mésanges
de ce matin printanier peut-il
rendre enjouée la phrase éperdue
de ce poème, reprise continuée
de ton petit forgeron comme
dimanche 28 février 2021
Philippe Jaccottet (1925-2021)
avec les pensées sous les nuages
du poète dont nous avions
côtoyé la porte à Grignan
un hiver à Taulignan, toute
phrase fait-elle voix et relation
dans notre si maigre savoir ?