L'ami Jean Perrot, universitaire angliciste, grand spécialiste de littérature jeunesse, et écrivain, m'a envoyé le texte ci-dessous après sa lecture de Ta résonance, ma retenue. Un grand merci à lui !
A Serge Ritman
Ma résonance sans
retenue
De
prime abord, c’est un immeuble qui surplombe et qui surprend, tout en s’éclairant d’emblée de multiples et
fugitives visions. C’est très vite une montagne inaccessible qui bientôt
s’allège au parfum de la langue, frétille et s’anime comme un incroyable vivier
de paroles. Et soudain passe une hirondelle du bord de mer qui vous emporte
dans les bras de Lucrèce : à l’instant tout s’arrondit et s’ouvre sur des
plages où jouent et chantent des enfants. La comptine soutient le relai d’un
échange magique (Je-Tu), nourrit celui-ci. Et toujours, des grottes
linguistiques s’ouvrent et vous saisissent au plus profond de vous même, vous
projettent ensuite sur la vague et la houle des langues désaccordées, des corps
en quête. Concert baroque qui a ses frénétiques descentes et envolées, tandis
que la rime impose ses rythmes, répond au doigt et à l’oeil de principes
secrets. Et le jeu de cache-cache impertinent ne laisse qu’un espoir fantasque
au lecteur qui vagabonde, comme le poète le long d’un rivage infini dans
une mer infinie. Tout près de cette énigmatique cabane d’une inquiétante soumission :
terrible le monde ! Il faut ici s’engager et s’abandonner à l’ode d’amour
qui se tisse, dans ses sauts et sursauts. Ode à la nudité, la peau qui résonne
des milliers d’étoiles de ta voix lactée. Orage d’un souffle sous le sourire,
ascension vertigineuse de ce cri de l’Une qui se hisse dans la voix de l’Autre
(jeu-aile et vice versa) et la fièvre des corps brassés dont la volupté
projette un feu salvateur.
On
monte enfin en groupe la pente de l’engagement vital, car politique. On entre dans le cercle mystérieux
des Illyriques, dans l’enceinte des transports qui règlent les confins et conflits
de la République. Puits vertigineux dont nul ne sort indemne, l’esprit
travaillé de courants contraires, d’envolées subreptices et de contre-plongées
délétères. Il faut s’accrocher aux branches de la glisse sur ces hauteurs
neigeuses pour ne pas succomber à l’angoisse : il importe de vibrer d’un
seul cœur. On n’est pas certain de la justesse de cette lecture et on se
nourrit des bribes qui séduisent dans l’ouverture et le feu vagabond du parler
qui envahit. Et tournez votre langue à dix fois avant de formuler un jugement
qui vous engage. Savourez ! Partagez et apaisez votre émoi ! Vous avez
atteint le comble de la résilience. Vous êtes entré(e)s dans la sphère occulte
de la compréhension et pouvez à votre tour lancer les flammes qui taraudent et
scarifient les gorges. Vous n’êtes pas sorti(e)s indemne de la magie du verbe
et vous voici initié(e)s aux lois complexes de l’échange. Vous êtes adoubé(e)s
en poésie ! Vous flamberez ce soir dans les convolutions de la langue.
Vous explorerez dans les volutes de soi (e !) l’identité triomphale rechargée
en douce. Mais voici que je déraisonne. Stop ! Admirons cette danse de vie
de deux êtres qui s’aiment (il lui marche un peu sur les pied, et elle le tient
bien droit !). Il a ses secrets et elle sa lumière. Ils se tiennent par la
main et se soutiennent dans ce concours de voix et de regards. Rien de biaisé
dans tout cela ! C’est bien une manière de se trouver à jour dans
l’Histoire avec des histoires., comme Serge Martin l’est dans sa poétique de
l’art littéraire où tout se rattache...
Et
ceci dans un dialogue assumé ou implicite avec l’avant-garde des poètes du
monde, femmes et hommes, maîtres du verbe qui mettent en forme l’avenir et le
transforment. Le grand art !