Les Enfants d’Isadora est un film de Damien Manivel.
Ce film met en scène une recherche chorégraphique à partir des notations d’Isadora Duncan pour une courte variation chorégraphique sur une étude pour piano du très jeune Scriabine : La Mère, pièce composée après la mort tragique de ses deux enfants dans un accident automobile en 1913.
Comment vivre une œuvre, dont la brièveté fait toute la force mais dont on n’a qu’un « texte » avec une partition écrite en notation Laban, autrement qu’en organisant des passages d’expériences. Plus qu’à l’énoncé, la partition ou le rappel biographique, ce film tient à l’énonciation, le mouvement dansé d’une femme éprouvée. Plus qu’à la reconstitution historique ou/et artistique (au biopic !), ce film tient à la réénonciation située et plurielle.
Le film organise un rythme de reprises : il le fait simplement comme si les expériences se continuaient d’Isadora Duncan en 1921 à aujourd'hui avec Elsa Wolliaston – la troisième partie du film – en passant par Agathe Bonitzer – la première partie – puis Manon Carpentier, accompagnée par Marika Rizzi – la deuxième partie. Ces passages de gestes s’effectuent comme reprise d’expérience dansée au plus près de chaque situation-vie.
Cela veut dire que le personnage principal du film, c’est cette danse initiée par Isadora, par sa douleur de mère et certainement par tout ce qui dans sa danse a précédé. Le personnage c’est ce poème dansé. Il mène la danse de corps en corps jusqu’à nous. Du corps gracile et lent, plutôt physiquement conforme à ce qu'on attend d'une danseuse contemporaine, de l’actrice Agathe Bonitzer à celui de la grande chorégraphe, au corps vieillissant et obèse, Elsa Wolliaston, en passant par le corps gauche et tellement touchant de Manon Carpentier, trisomique. Le film montre comment la danse passe par ces corps et par tous les mouvements de la vie – pas seulement ceux consacrés à la danse, y compris ceux de manger, marcher, se changer, se regarder, etc.
Le film montre comment la danse met dans ses gestes jusqu’à la lumière de l’automne, de la mer, jusqu’aux regards des actrices et des spectateurs quand a lieu une soirée où danse Manon Carpentier qu’on ne voit pas et dont on a vu toute la préparation. Jusqu’à ce passage de geste où la douleur devient affection : déplacement qui ne se mesure à aucune performance mais à une relation éthique. Que la main d’Elsa Wolliaston inachève merveilleusement.
Ce film fait une rime prolongée, de gestes, où la danse d’Isadora Duncan ne cesse de relancer des mouvements de vie même infimes, toujours touchants, ceux de ses enfants, dans ses gestes, vivants.
Un entretien avec Damien Manivel : http://www.gncr.fr/films-soutenus/les-enfants-d-isadora
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