vendredi 30 novembre 2012

Le roman de la phrase (4)



Elle se démultiplie dans ses angles pour qu’il revienne dans ses bras ou sa voix – c’est la même chose.
Il dit que ses notes prennent forme ou pas, mais elle donne toujours le rythme en fin de compte.
Dans le labyrinthe des lieux et des rencontres, elle trace exactement la place et le moment de ses connaissances primordiales : ils s’y retrouvent alors sans plus rien savoir d’autre.
Elle donne l’air et il ne le trouve pas toujours quand ça monte ou qu’il parle en même temps : il s’essoufle mais l’air ne manque pas.
Chaque fois, elle a sa justesse mais il n’arrive jamais à dire pourquoi il tient à elle ou plutôt comment elle le tient en voix.
Elle garde son énigmatique centre mais il le trouve facilement chaque fois qu’elle lui fait connaître le théâtre d’une rencontre.
Elle survient quand il ne s’y attend pas et cela demande quelques instants pour qu’il la retrouve comme jamais.
Peut-elle se donner en spectacle quand c’est sa souffrance ? Alors il ne sait plus et laisse faire les autres pour mieux la retrouver sans le masque de la douleur.
Ce qu’elle subit exige son écoute : ses éclairs d’œil la retrouvent dans tous ceux qui n’ont pas encore de nom.
Il ne met pas les virgules là où il faudrait et elle ne le laisse pas faire sauf quand elle veut écouter sa volubilité.
Juste ce qu’il faut, dit-elle à chaque fois que le montage lui permet de multiplier ses lenteurs.
Comme sur une toile de fond, elle augmente les épaisseurs du temps qu’il traverse dans sa phrase.
Sa déambulation dans les livres se perd aux confins de sa déréliction : il n’a vraiment plus que son écho.
C’est dangereux de dire son dernier mot : elle énumère ses cas et il multiplie ses motifs.
Elle traverse l’espace comme dans un plan séquence pour qu’il prenne le plus d’air possible.
Il ne sait plus si elle rêve dans son écriture ou si c’est son écriture qui la rêve.
La multiplication des voix fait tourner les scènes où il danse avec elle sans arrêt : comme les enfants, il adore ce vertige qui renverse le monde. Sa phrase s’envole ou finit dans les étoiles.
Il dit écrire dans son vivre et sa vie n’est pas vraiment graphomaniaque : elle respire son souffle.
Elle va forcément se faire voir mais la scène peut ne pas montrer ce qu’il veut voir.
Il cherche l’image sans décider du beau ou du vrai : elle traverse sa matière en lui livrant ses symptômes.
C’est du tact qu’il lui a fallu pour trouver dans ses dessins l’image de sa voix, c’est-à-dire son corps à neuf.
Ceux qui n’ont pas de nom reviennent sans cesse dans sa voix et il essaie de les retrouver dans leur fuite en elle.
Elle est souvent en train de bouger quand il cadre et c’est le fond qui garde son mouvement : entre-temps, il a essayé de changer de focale.
C’est une histoire de l’œil qu’elle renverserait en singularités de son écoute : il bataille avec son propre racontage.
Il s’agit de faire le point : aller voir ce qu’elle seule peut montrer quand il l’écoute enfin.


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