lundi 5 novembre 2012

Le roman de la phrase (3)




Elle ne choisit pas et, où qu’il décide d’aller, elle agit de la même façon.

Quand on lui demande de rabâcher des savoirs, elle lui dit de prendre la porte en ajoutant trois points de suspension.

Elle sait ce qu’elle veut et n’hésite pas à mélanger son regard éloigné à sa proximité dissonante.

Il oublie facilement ses récits mais connaît par corps ses gestes. Ils la rendent si proche et lui remettent vite son récitatif en bouche.

Ce qu’il aime chez elle, ce sont ses façons. Elles défont tous leurs mythes, à lui et à elle.

L’illusion du genre empêche la vérité de sa performance : elle le lui rappelle s’il l’oubliait à chaque bout de phrase.



Elle n’a pas de but mais des utilités qu’aucun instrument ne saurait remplir. Elle sert à tout mais on ne peut la mettre à son service.

Elle ferme la porte à toutes ses fausses questions. Il ne lui reste qu’à dire vrai même quand il ment.

Son origine est son fonctionnement : il raconte chaque fois différemment d’où elle vient et elle raconte chaque fois différemment où il va.

Il est bien obligé d’admettre qu’elle ne donne aucun alibi à une direction unique : elle n’est que mélange parce que c’est son rythme.

Aucun invariant ne la parcoure : elle se passe de sa domination narrative et il recommence son phrasé.

Sans passé ni identité, elle trouve son origine dans le présent de sa diction. Il aime sa reprise.

Parler de rien l’occupe souvent parce qu’ainsi elle peut tout lui dire exactement comme il faut.

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