samedi 13 juillet 2013
Points de suspension : Jacques Ancet & Ettore Labbate
Cette couverture énigmatique cache une ténacité et une intempestivité dans le champ poétique : celle d'Ettore Labbate qui lance une "revue de silence" à paraître quatre fois l'an, "à chaque nouvelle saison de l'année", en 50 exemplaires au prix de 10 euros (adresse: 1, rue Jules Ferry - 14111 Louvigny).
Ce premier numéro de Points de suspension est signé par Jacques Ancet. On ne pouvait mieux choisir pour commencer une "revue de silence" : non que Jacques Ancet écrive, comme on pourrait s'y attendre, une poésie blanche mais parce que, pour lui, le silence est du langage, mieux : du poème. C'est l'activité du poème, en écriture et en lecture, qui seul peut faire entendre du silence et ici le silence d'une relation - au double sens du terme : récit et lien.
Si le texte commence par observer qu'"on ne sait pas laisser dire" c'est bien parce qu'il s'agit de laisser le poème faire pour qu'avec une écoute inventée et donc, par là-même, une relation construite, on "laisse dire" le poème - à condition d'entendre ce dire comme un intransitif pour que puisse "passer", comme on dit - et Jacques Ancet n'hésite pas à laisser dire ces paroles de chacun et de tous, de tous les jours, dans le poème, pour que puisse "passer" donc, "un souffle, une voix que tu ne reconnais pas".
Le silence qui n'est jamais ontologique, dans et par cette expérience du poème, fait venir l'inconnu au plus près du dire dans ce délaissement qu'invente le poème, délaissement de tout ce qui ne laisse pas dire. Et pour cela, Jacques Ancet tient son poème comme Mallarmé disait de Verlaine qu'il tenait sa syntaxe : trois séquences de 4 pages chacune avec sur chaque page 4 versets (je les appelle ainsi, ces lignes, parce qu'au même moment on lit le dernier livre de Jacques Ancet, Ode au recommencement, qui fait explicitement référence à Claudel...), soit 3x4x4 = 48 versets. Cette tenue toute entière tournée pour que la force de l'indéterminé, du murmure, du silence agisse ici partout.
Et ce poème qui ouvre une revue pose "comme un grain de temps" qui fait l'impossible : lancer une revue de silence.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire