jeudi 1 novembre 2012

Claire île

Un très bel accueil par le site "Recours au poème" d'une série de quatre poèmes intitulée "Claire île". On peut donc les lire à cette adresse:
http://www.recoursaupoeme.fr/poètes/serge-ritman

Serge Ritman

Claire île (extraits)

Je n'ai rien appris. Alors tais-toi. Je n'ai rien à dire. Alors tais-toi. Il n'y a pas que dire dans parler, il y a te dire. Rien m'a épuisée. Je cherche un bout d'histoire. Tais-toi, tais-toi, tais-toi. Je ne peux pas, je ne veux pas me taire. Pourquoi? Quelque chose veut, parle, mais je ne comprends pas. Il n'y a rien et cela voudrait forcer le passage.
Caroline Sagot Duvouroux

I

comment dire tout ce qui nous arrive
vivre dans le mouvement de nous pour mieux respirer aller 
vers tu m'as trouvé et je t'ai cherchée cache cachette vers 
ciel et tout s'en trouve rompre les amarres à pleurer rire à 
faire corps à corps jacob avec l'ange sans issue autre que nue 
en appel d'agrandir tout l'écrire infini en plein coeur de vivre 
et rouler au coeur des dunes hisser au long des écorces et tiges
de fleurs au fond des buissons écraser les mûres et rougir joues
renverser en grande douceur avec force incommensurable brassées
de baisers de bras de mains des yeux des seins des cuisses des pieds
et marcher sans savoir l'élan marcher le paradis en pleurant riant
à deux à nos nombreux infiniment les sembles nos poèmes vies

tu inondes d'ailes
chaque sans totalité
possible passage
continu de voix

le silence est entre nos lèvres il prend
tes yeux deux fermés où tombent délices
et tout à coup l'éclair ton sourire le bleu
ouvert plein ciel des deux yeux j'y fonds

c'est tous les doigts dans la bouche et le petit aux commissures
jusqu'aux paupières la langue tu penches et nous tombons vers

respire tout ce qui traverse en lèvres et en dents suffoque dans les bras tient tout le déséquilibre jusqu'au cou un doigt

la paume ferme la bouche qui mange en langue mouille et compte quoi des lignes des signes un verre d'eau en deux goulée la même d'une bouche l'autre coule jusqu'en bas dans le creux des cuisses ou bas ventre la paume a un petit ventre creux c'est faim de suivre un baiser qui peut s'arrêter au lobe en nuque respire et coule

comment me pencher encore quand tu penches
j'ai mal au ventre et tu montes c'est deux tiges
avec au bout deux bouches en lèvres tu m'enlèves


II


l'illuminée requête     de voix vive
où je t'assigne
et ton refus serait

l'engloutissement

dans les baisers je parlais racontais explorais imaginais confondais c'étaient les arbres les feuilles le ciel les nuages c'étaient tes intérieurs nos dehors dedans
tu n'entendais pas seules tes lèvres écoutaient elles me comprenaient sans retenue

tu oubliais de me dire tu t'oubliais j'allais tomber nous tombions laisse et la foule nous contournait et je soulevais ta bosse de passagère ton équipage de poète des champs le sac à dos de ton air penché je l'alourdissais d'un baiser volé tu m'en volais dix à la fois tu oubliais de compter je te racontais mes oublis et nous perdions le fil de nos lèvres je te rejoignais dans le bain en nage ta lumière claire


en quel temps te revoir
de jour et nuit sous lèvres tu viendras
tomber je vais
tu me touches tout le jour
c'est nuit dans nos yeux
claires lumières


ma main a disparu d'écrire
l'as prise emportée où milieu des mers
quelle île la seule et comment les doigts dans tes lèvres
ça saigne ne vois le rouge qui coule en fil 
tresse chevelure en courant de fleuve en delta 
sable ocre est-ce eau claire
d'écrire arrachée décollée au bord
coupant de toi 
tous ces baisers de bouche de doigts
je cours
après une armée suffira pas et peur au ventre mes soldats
c'est fable et je conte
je cours 
elle ne se reprend pas donnée
où es-tu cette île de voix j'erre sans toit
pas plus mirage pas plus mer
noyé j'erre de nage
c'est plus sage n'écris pas lui dis

si tu l'as
mange !

j'ai lu tu disais
ne puis ne plus
à la vie à la nue – me disais mais mort s'en
plus puis encore plus
toujours ne ne déjà là comme arrêter tout commencer
toujours ne ne déjà lu déjà tu sans arrêt tu commençais
je te tue / tu me jus continue ad lib
et nous fut (nous nous : fusions : combien d'étages je saute dans le ventre)

défaite même pas fête fi si

sans lys (lire yeux fermés le clair secret) cent - non mille et un(e)
pouvoir plus voir quels yeux restent
puissance de l'impuissance nuisance de lui – mille et un appels 
lumière (plus d'étoile claire) vers plus sens - courir où
pis :
lui si ne su quoi ne ne
si lui ne quoi su elle ne
ne si lui si elle quoi ne
(c'est ici plus l'île plus)

c'est de hisse pas pisse à pousse ouste d'un ne ne
passe passe vers
ni n'est-ce

je tu ne ne nous
nus mise à
mortifier étouffer inhumer plus respir – choses pires

mais hisse issue belle : l'impossible

neige – ta clarté non ! tes étoiles

(pas fier rythmer ne ne en pas plus possible)

III

j'avais mis le doigt sous 
l'aisselle – c'est bien la droite en bras du cou
elle me laisse 
le sel et me mouille
tu disais je me change mais une robe tu l'avais 
mise
de tous mes doigts et la langue suit sa coupe jusqu'aux doigts de pied – un seul
j'avais mis 

le doigt
je compte les doigts petits cris très intérieurs je les écoute avec les lèvres ou c'est sur les dents voire le nez les paupières résistent
tu lèvres lèches lape loupe de plus près c'est jamais 
assez sauf 
glisser
le doigt ou tous mais sur un c'est fort c'est la pluie danaé 
foutre l'amérique l'orénoque nioque nada rien rac

j'avais mis ça claque tout air – lettres finales en bouche j'aime sans compter les a que te fait le doigt
les sels 
oui des ailes y poussent en doigts
au ciel 

nous tout mouillés 

(porche de carnavalette tu grimpais en sévigné
ma viande livrée en correspondance 
aux francs bourgeois et les toiles de desgrandchamps où sont passées les couleurs)

tu frémissais j'avais mis ton air

(trois fois)

tu m'orangeais je m'endocrinerai 
pas crime : 
crî-âme !
voilà une danse gonadesque (toutes glandes au galop)
oh ! vers (c'est comment pour toi ton air)
du ventre ça part tige et ni pal
ni pulpe ne reboirai autre que
ta pluie 
si tant de baisers descendent de si haut
des anges tes lèvres déchues
toute orange la pharmacie délivre le coup
ou le poison, non : l'amour avalé
comme test en si


l’île
dans ton dos tu portes 
sac lourd & si 
l'appel c'était tomber 
furies fureurs & peines poèmes
tu me penches entier dans 
si claire
la nuque c'était l'île
mon cri ton râle 
plein soleil tu 
me blesses
au bord de tes lèvres
le phrasé de ton dos 
terre sur vers l’île sur mer
tu lèves ou tu tournes
emportée exclamée
ce corps mort qui vit en 
dos & devant c'est mon ombre

tu es cris

plus que l'ombre pour vivre
et ramasser une sandale et
tu pars où si je disparais pour
le pays des ombres quelle lumière
t'attire et quel ciel quelle voix

erre-air
c’est double signature pour un seul poème
quelles doubles vies




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