samedi 28 septembre 2013

petit air de rien (avec Avishai Cohen)


ce petit air de rien résonné depuis quelle Russie
au loin les nuages et un pantalon orangés
d'un tôt le matin avec les verstes de Marina
s'accélère une mélodie venue tout près si loin
alors ses doigts dessinent par-dessus nos lignes
le voyage en train de tous les rythmes de ta voix
revenue d'où vers où toujours ce moment où
tu viens dans l'inattendu comment te dire
ce petit air de rien nous tient depuis quelle Russie

mardi 3 septembre 2013

aka : on aime les petites revues à la lisière des voix


on dit : les petites revues
et elles n'arrêtent pas de recommencer
certaines peuvent s'arrêter, ne peuvent plus continuer, ont fini de publier mais continuent de vivre
d'autres recommencent et peut-être continuent-elles les précédentes pas forcément récentes
elles continuent quoi
la vie du langage
plus encore la vie de la vie du langage
autrement dit, la vie à la puissance vie
j'aurais pu écrire ce qui vaut la vie : la relation, le poème
alors je reçois une merveilleuse petite revue et elle grandit dans ma vie
elle commence par un poème de Inger Christensen que j'ai lu il y a longtemps et que j'avais oublié ou alors il faisait son chemin sans le dire jusqu'à ouvrir cette revue
et commencer après ce mot de bienvenu de Christensen avec une traduction du roumain, c'est pour moi continuer une vieille passion pour Max Blecher (lire la petite notice en fin de revue concernant ce jeune auteur de Bucovine) et cela continue avec Raluca Maria Hanea: "serait-ce aussi de la merveille"
oui avec "les rêves globalement idiots d'Ernst Folkarévitch" de Arnaud Ducharne : j'aime ce personnage russe ou qui met de la littérature russe dans nos poèmes
je ne vais pas poursuivre - à chacun d'y aller voir pour s'ouvrir les yeux du langage - mais je retrouve des voix qui continuent dans leur force et qu'on aime comme celles de Chloé Bressan, de Maël Guesdon, de Laura Lisa Vazquez, de Marie de Quatrebarbes et de Marc Perrin
puis je découvre les autres et j'apprends à aimer les écouter mais les précédentes se découvrent toujours
une revue - c'est ce que j'aime - met à nu
ils sont tout nus et nous avec eux : le monde peut recommencer
le monde peut crier : AKA...
crier ensemble, c'est politique
et avec ça une revue petite emporte tout son silence : c'est politique
comme dit Marc Perrin : un "trou d'amour"
et Irène Gayraud : "Il y a, toujours, la porte qui dépeuple / ou la lisière du bois"

on dit : les petites revues
on aime le papier, la façon, le geste
ici, il est signé Stéphane Korvin
ça nous grandit une petite revue comme ça
merci

on lui écrit, on commande, on attend le numéro 2 (un appel avec un texte de Fred Deux), on aime
ce numéro 1 à 60 exemplaires dans une mise en page très belle avec une première page calque
revue.ak@hotmail.fr


Corps parallèles : The Parallel Body


Dom Gabrielli, The Parallel Body. Corps parallèles, ouvrage en anglais et en français, traduction par l’auteur et Laetitia Lisa, préface de Jacques Ancet, Rouen, Christophe Chomant éditeur, 2013, 152 p., 17, 50 euros.

Ces 43 séquences font un poème du questionnement maintenu : du « pourquoi » (p. 13) initial  au « devenir toi » (p. 143) final, le mouvement de la parole dans l’écriture est l’invention d’un lieu de rencontre qu’est le poème. « D’où je suis c’est où je suis » (p. 41) : ainsi l’origine du poème c’est son fonctionnement ou, plus simplement dit, l’expérience du poème n’est pas celle d’une répétition mais d’une reprise de vie : « si je devais appeler ton nom / en vain je pleurerais ton écho » (p. 125). La lyrique amoureuse est souvent insupportable parce que le mythe mange la vie, la parole se perd dans des répétitions et la relation semble déjà depuis toujours jouée. Il faut alors partir de rien : « je n’ai plus d’idées / plus de solutions plus de cartes plus de textes plus de concepts » (p. 121). Ce qui n’empêche pas de rebondir avec tout ce qui nous continue dans la tradition jusque dans ce ton de la chanson, ses anaphores (« vers toi », p. 119) ou son départ dans un « te souviens-tu » (p. 115) à condition de s’exercer au refus de toute poétisation du vécu (« trop vite on s’adonne aux analogies », p. 23). C’est cependant dans la prose des circonstances (« je sais que je suis ici maintenant », p. 29) que le poème monte le plus certainement : « devant l’acte de vivre / tu es devenue poème » (p. 111). Contre toutes les contraintes et habitudes qui empêchent la marée montante du corps-langage : « le milieu où la couleur pousse » (p. 21). Ce corps-langage que Dom Gabrielli nomme (au singulier en anglais et au pluriel en français, j'y reviens in finecorps parralèles, c’est d’abord l’aventure d’un je-tu éperdu se risquant (« je tombe souvent », p. 35) au nada des mystiques espagnols pour co-naître : « je ne suis rien et à l’intérieur de ce rien je deviens » (p. 31). Et « les poèmes sont » (p. 33) ou plutôt répondent à « l’appel » (p. 37) au risque de moments difficiles où le tu n’est pas le je échangé puisqu’il est la réitération du même (« tu l’as perdue / dans tes bras », p. 43) et non l’invention d’une identité-altérité en je-tu. Il y a donc ce « territoire du milieu » (p. 57), entre-deux d’un égarement douloureux, un « tunnel » (ibid.). Mais « je marche à nouveau dans tes pas » (p. 61) grâce à l’écriture, ouvre autant de ressouvenirs en avant, de reprises au sens de Kierkegaard : « je t’aurai déjà vue / je serai déjà là ». Le poème n’est pas promesse future ou passé revécu mais présent du passé et du futur au présent d’un dire (« ouvre-toi corps », p. 71) qui peut faire face à ceux qui « violent le langage » (p. 67). Alors, le poème peut, « contre la mondialisation » (p. 73), oser affirmer : « j’ai appris la vie parallèle de l’ombre » (p. 79). Il peut prendre appui sur les vents (« scirocco », p. 83-85, ou « tramontana », p. 87-91) et engager une épopée des corps : parallèles, c'est-à-dire résonnants. Et le je résonne dans le je-tu.
Ces 43 séquences pour « écrire le voyage de mon désir », cette épopée de voix, parce que « je te suis depuis si longtemps » (p. 131), à condition d’entendre cette perte qui est un immense gain : « je suis beaucoup moins moi que tu es toi / je te suis reconnaissant de sans cesse me laisser devenir toi » (p. 141). Alors, j’aurais oublié que ce livre nous est donné dans deux langues, dans deux écritures puisque la traduction est cosignée de l’auteur et de sa traductrice. Mais ce serait très exactement reprendre ma lecture des 43 séquences qui en font un poème du je-tu jusque dans cette mise en pages parallèles bilingues… Et c’est Jacques Ancet qui préface l’ensemble : le poète du « recommencement » (voir son Ode parue récemment chez Lettres vives) ne pouvait mieux signaler une telle expérience qui, de l'anglais au français, passe du singulier au pluriel, d'un je à sa moitié (voire à sa pluralité) par le tu.