samedi 31 décembre 2016

je n'ai pas neuf ans


"La voix sourde et merveilleuse qui appelle"
Alain Fournier, Madeleine



je n’ai pas neuf ans mais les fais
quel travail quand tout compte ici
et là mais si – quel émerveillement
une voix vous arrive sans savoir
aucune mesure ni calcul sauf l’injonction
d’écouter l’inattendue de son sourire
elle vient de loin et son approche
douce insiste pour que je commence
quand ici et là le petit bourgeois
s’amuse des images démoniaques
de l’une à l’autre change d’année
et Broch disait préférer l’assassin
sans principes ça en déborde de partout
je n’entends plus les grands même
les petits tout contre la peur elle envahit
je t’écoute dans ta voix je la vois
et nos sourires tiendront l’enfant
de nos bras somnambules un cri
ton prénom éclaire toute cette nuit
je fais neuf ans pour avoir l’âge
de ta voix elle me trouvera tout près


NB: Herman Broch, "Voix, 1933" dans Les Irresponsables, 1950, trad. de l'all. par Andrée R. Picard, Gallimard, 1961. La citation exacte : "L'assassin sans principes a plus de valeur en vérité." p. 236.
On peut trouver Miracles  d'Alain Fournier (éd. de sa soeur et de Jacques Rivière) sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9606887t.
Fournier disait de Péguy : "Il veut qu'on se pénètre de ce qu'il dit jusqu'à voir et à toucher" (lettre du 28 août 1910). Et avec Fournier : "les rêves se promènent" - c'est ma devise pour 2017 !!!!




lundi 12 décembre 2016

après avoir lu (à l’envers) les écrits français d’Amelia Rosselli




Aveugle je restai
depuis ta naissance et l’importance du jour nouveau
ne m’est que nuit dans ta distance. Aveugle je suis
car tu marches encore ! Aveugle je suis que tu marches
et le monde est veuf et le monde est aveugle si tu marches
encore agrippé à mes yeux célestes.

                             Amelia Rosselli,
la fin de Variations de guerre dans la traduction de Marie Fabre

 
(photo de Dino Ignani)
comment dire prononcer
en une douce phrase
la définition ou c’est la clef
de tous tes avenirs passés
quand j’oublie le tour
le tour de la confusion le cirque
sans paroles tu peux
renverser la vie je ne jure pas
ou plus si mon sanglot
traîne la patte ma savate
mon sabot ta sandale
va te moquer de ces conserves
vraiment le piment hermétique
ou tu l’ouvres la bouteille et
elle se fracasse ma poésie avec
ta main qui la renverse du haut de son poteau
dans tes angles tu me traînes
je suis touchant comme
une viande pleine de fiel
pas poétique
mange-moi par petites bouchées
c’est la pénétration sans
ironie pas comme
un songe qui tue ou bien
le nœud coulant
de ma cravate – tu en portes pour mourir
oui j’y suis derrière la façade
avec ta petite monnaie
tout le prix de ma jubilation
cette prose qui suinte
toute moite et
sans raison ou patience
je tombe dans

ton lac fabuleux