mardi 25 mars 2014

la petite folie en fin de foule



glissez un maniérisme
ni classifié ni dénommé
dans des pedigrees existentiels
en tension indéterminée

avec l'enjeu des face à face
elle n'est pas seule comme
vue elle se compose un
on dirait que je serais

cet entre des gestes appris
pour marcher absolument
là où je m'espace pas toi
à cache cache les deux cousines

le fameux mensonge politique
alors que dire fait sacrifice
si le grand public n'y rentre pas
sauf une personne au cimetière


(en sociologisant la littérature)



dimanche 16 mars 2014

Comme une main qui brûle (avec Georges Badin)




Comme une main qui brûle


en écrivant sur les papiers-peintures de Georges Badin


Les papiers sont toujours comme tout frais : les gestes les traversent comme si la main, ou c’est tout le corps, venait de s’y jeter. C’est cela : les papiers sont comme les draps ou comme les prés ou comme le ciel, on s’y jette pour les embrasser ou s’y rouler dans l’emmêlement de la vie. C’est même exactement cela : on y fait l’amour à mort.

Il y a des lignes souvent rouges, ou c’est la direction des brosses larges aussi, qui orientent mais toujours dans au moins deux directions et on ne peut choisir rien d’autre que leur intersection, leur bifurcation, leur façon de défaire les verticales et les horizontales ; ces lignes ou ces directions dans la couleur, mais je retiens d’abord ces plus étroites lignes rouges parfois seules aux bords d’un grand blanc, agissent fortement pour une peinture décentrée comme on dirait une parole décentrée. Hors rhétorique ou hors époque, hors mouvement ou hors nomenclature : intempestive, cette peinture ; décentrés, ces papiers.

L’espace est toujours élargi par je ne sais quel moyen qui est pourtant immédiatement reconnaissable. C’est comme ces après-midi de beau temps et d’éblouissement ou parfois ces lumières sous la pluie avec des nuages qui jouent de valeurs fortes, j’ai toujours l’impression que le pré n’est pas réductible à sa géométrie et pas plus l’horizon à une ligne : il y a comme un espace démultiplié par l’envol. Est-ce que c’est la richesse profuse de la matière gestuelle même quand il n’y a presque rien ? Certainement mais pourquoi est-ce immédiatement là dans un élargissement que seule la géante de Baudelaire évoque sans coup férir – je ne retiens que la fin du sonnet : « Parcourir à loisir ses magnifiques formes ; Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains, Lasse, la font s'étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l'ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d'une montagne ». Ces papiers aiment évidemment ces infinitifs (parcourir, ramper, s’étendre, dormir), ces soleils (malsains) et cette ombre (ce corps immense jusque dans la montagne qui l’allonge infiniment).
Ces papiers ne cessent de résonner un présent dans son intensité : véritable cadeau à jouir en riant ou pleurant mais à jouir dans l’immédiat sans médiation autre qu’un voir éperdu. Comme rouler dans l’herbe sans savoir où finira la roulade parce qu’il n’y a pas d’horizon à cette peinture : elle est dans un enroulement qui s’étale jusqu’à l’infini d’un faire résonnant. Pas de premier ni de dernier papier : chacun n’est ni l’élément d’une série, ni le moment d’un parcours mais dans son nœud de présent tous les autres à la fois les rassemblant et les appelant. C’est pourquoi, j’ai l’impression passant de l’un à l’autre de me perdre dans une même jouissance s’irisant des mille feux d’un seul présent.

La jouissance avec ces papiers – ne devrais-je pas dire peintures – est aussi lourde que légère, lourde dans le détail de sa matière, parfois même le défait de ses poses, l’inachevé de ses traces, et légère dans la fulgurance d’une couleur qui prend toute la lumière ou l’à-peine posé d’un trait qui suggère plus qu’il ne se montre. Si je parle de lourdeur c’est pour tenter de montrer que le tragique rôde dans chacun de ces papiers ; que la peinture ici est d’abord écho de tout ce qui meurtrit, défait, abîme et inéluctablement tue alors même que son élan n’est que la signifiance du plus vivant y compris de son acte le plus simple de toucher avec une couleur le blanc du papier, de le salir même. Paradoxe ? peut-être mais tension qui tire la vue vers le monde le monde, comme écrivait l’ami Bernard Vargaftig.

Alors oui, on y meurt comme on y fait l’amour. La peinture est un cimetière de jouissance. L’enfance qui s’y joue encore et toujours trouve la vue renversée pour que la vie à contre courant continue sous un soleil, ou c’est parfois une lune, qui pleure de rayons mortels et immensément jouissifs tout à la fois. Avec ces papiers, ces peintures, c’est forcément mal barré. Je suis fini, ici là mis en croix et sans un zeste subliminal de résurrection d’autant que tout est, dans et par cette peinture, fait corps au sens le plus matérialiste : aucune incarnation comme on aime à dire trop facilement : rien que du corps non au sens biologique (le rouge n’est pas du sang…) mais au sens poétique (le rouge est ce rouge… et donc je  est ici et maintenant par ce rouge… et ainsi de tout ce qui vient faire mouvement peinture). C’est mal barré – ça barre même souvent – et pourtant immédiatement dans le même instant cette incorporation que j’ai à peine évoquée avec ce rouge est une transe où la barre, le mal barré, fait une danse. Voilà c’est ce mot que je cherchais : ça danse sur, avec, par ces papiers, ces peintures. Non seulement les traces mais c’est un mouvement qui fait tout danser : le papier, la peinture, le regard, la vie et même la mort. La danse macabre est alors en vie. Ce rouge fait la vie.

Ecrivant ces notes, je ne sais plus ce que je dis mais je sais qu’avec ces papiers qui deviennent ces peintures, je suis pris dans un mouvement de parole qui n’a qu’une force, celle que Ghérasim Luca évoquait en posant moins une question qu’en suggérant une façon de vivre : « Comment s’en sortir sans sortir ».


Avec les papiers devenus peintures de Georges Badin, dans et par sa fraicheur, j’ai encore sur les mains et partout dans le corps – parce qu’on les verrait, ces papiers devenus peintures et donc toute l’œuvre de Georges Badin, par les mains autant que par les yeux, par les paroles autant que par le sexe, par la beauté autant que par les déchets – ce jaune (tout aussi bien tel trait) comme un pigment de printemps, ou ça peut-être ce rouge comme une matière d’amour à mort, et c’est donc cette peinture comme une main qui brûle.
Les photographies qui accompagnent sont prises dans les trois livres réalisés dans la collection "Mémoire" d'Eric Coisel sous le titre : Le Bleu de ta main vire au rose (voir http://martin-ritman-biblio.blogspot.fr/2014/03/le-bleu-de-ta-main-vire-au-rose.html)

samedi 15 mars 2014

Madeleine pleurait si comme une raie


(avec Tamar Kasparian)

c’est comme si je rougis
une madeleine pleurait
dans le silence de nos visibilités
tu viens par dessus
ou encore
c’est entre je pousse tes fils

ta vue par-dessus mes
charmes
ils s’enroulent à peine
je tombe si tu dis
la vaine défaite
en phrase qui me commence
au milieu de toi

les infimes découvrent
mes replis tout rouges
tu les pointes et une tache
disparaît pour ta
revenue encore
c’est comme si mes liens

t’avalent et une feuille
enregistre ma voix
dans nos plissements avec nos ombres
au bruit de mon doigté
découvre l’ouvert d’une raie
c’est comme si tu rougis