sur l’estran comme une danse
phrasée à même le miroir
d’un ciel immense, ma phrase
aura-t-elle le même élan
véloce pour te retrouver ?
sur l’estran comme une danse
phrasée à même le miroir
d’un ciel immense, ma phrase
aura-t-elle le même élan
véloce pour te retrouver ?
le phrasé répétitif des mésanges
de ce matin printanier peut-il
rendre enjouée la phrase éperdue
de ce poème, reprise continuée
de ton petit forgeron comme
avec les pensées sous les nuages
du poète dont nous avions
côtoyé la porte à Grignan
un hiver à Taulignan, toute
phrase fait-elle voix et relation
dans notre si maigre savoir ?
écrit l’ami Guy vers un phrasé
monde qui fait un tour et
un tour jusqu’à me retourner
sur ta phrase, comme je me trouve
aux voix de qui tient sa syntaxe
dans ta phrase qui s’est envolée
avec l’avocette et ses kriyu
avant de se tenir dans le marais
grammatical sur une patte
au loin tu les entends encore
quand les vagues chevauchantes,
ton déferlement m’assourdit
jusqu’à confondre les marées
et les ventres nous enfantent
le marais salant quand
la réalité éperdue
sous ta fable métamorphosée
une phrase amphibienne,
avec la colonie des bernaches
et leurs petits culs blancs,
comme si ma phrase se
retroussait toute rouge
dans la brise de ton nord
un débarbouillage de ma phrase
voici un ciel de traîne, le bleu
nuageux souillé maintenant
par tes giboulées en guerre
déboule une reine du silence
fouillis des claires étoiles
comme si ta nuit éclairait
sous le tamis d’une syntaxe
alors voilée par l’immense,
tes yeux tout ouïe qui brillent
cuisses entrevoit l’aigrette
dans l’envol de ta phrase
alors hissée, au point de
me perdre dans l’immaculée
blancheur de ses ailesmatins ouvrant le bec
des songeries, toute
une phrase méconnue
s’enchante alors et rit
dans ma bouche ivre
la virgule d'un mimosa
dans le ciel gris de ma
phrase, alors déroutée
par le vent du rire
dans ta parole
pantoun négligé pour 2021
(que n’émigrons-nous vers Palaiseaux !)
l’épidémie le pain de mie la pandémie
le petit pan de mur le pantalon de mamie
la petite mine de ma mie un premier matin
endémique je te passe la vingtaine et sous
ta voix déminée la terre dépensée te dit
nous démolirons le pandémonium piteux
du ruissellement capitaliste de la démocratie
patibulaire nous écouterons tous les pinsons
et poussins pie et papi voleront l’utopie
d’une année pleine d’épis sans répit
les bourgeois dépités verront bourgeonner
l’an des communes et des pantoums sans
pantoufler vraiment mes vingt ans sont
révolus car voici venu le temps qui hait
le néant vaste et noir le temps des cerises
j’t’aime ma chemise brûle voici nos peuples
N.B. : Les italiques empruntent à Verlaine qui écrivait : « Seul, un poème un peu niais qu’on jette au feu » !
pour Claire, son anniversaire ce 31 décembre 2020,
Avec toi, j’ai appris l’amour qui maintient sa prise et sa durée au-delà des disputes, des différends, des défauts, jusqu’à les aimer aussi. C’est l’amour pour ton air contrarié, tes explosions et le retour des sourires ensuite.
tu me disais c’est l’entre deux toujours entre
Paris et Caen et Poitiers et Nanterre et Cergy
et écouter et lire et les petits et les grands et
vieillir et tenir le futur des passés infimes tous
les sans-voix que tu sais écouter en fermant
les yeux et les deux mains qui se tiennent au
chaud du lit et c’est la marche entre le vent et
les arbres ou la bernache qui rêve à l’été entre
les Pyrénées et le Jura nos pas dans la neige
profonde tout le blanc entre nos couleurs ta
peau rouge et mes bleus à l’air d’un souffle
vivre entre Morisot et Bonnard coquelicots
et mimosas courir tous les jours vers le grain
de tes beautés l’étonnement toutes les petites
histoires et grandes et toutes les géographies
nos communes et nos solitudes qui s’emmêlent
jusqu’à tout nous dans des je-tu infinis je les
compte avec tes années comme si c’était mon
âge depuis toujours chaque jour entre matin
et soir nuit et jour tu me disais tu viens je te
réponds je cours par-dessus mes années vers
tes naissances combien tu disais je compte
sur toi je te répondais c’est l’entre deux tes
sourires le jour et tes mains la nuit tu entres
neuf distiques pour ses quatre-vingt-dix ans
jeunesse de notre humanité tu nous l’as
donnée dans ton sourire que la voix porte
à chaque ligne comme si l’en-deçà toutes
tes pages pleines de cet oubli toujours à vif
ouvraient nos mémoires à des mondes
inconnus et murmuraient un chant d’utopie
depuis toutes ces années de lecture partagée
ton écriture entretient la rumeur de son
écoute qui nous appelle pour changer
nos plaintes en survoir comme si nos
ignorances devenaient soudain par ton
phrasé des beautés résistant au dédain
que l’obscur travail reçoit des puissants
ta voix nous prend son pluriel arrache
tout ce qui confine nos corps dans une
danse des vivants avec tous les gestes
des morts en nous ces humains à venir
dans ta main nous touchons tout l’amour
Serge Ritman avec Claire
à Yann Miralles et Emmanuel Laugier
je n’ai pas tout compris quand
dehors tu m’as embarqué sur quel
ciel ou fragment d’une fresque toscane
sans compter les jours qui ne comptent pas
les nuits tu marches pour que j’écoute
tous les taiseux de l’histoire
leurs mouvements incompréhensibles
pour qui sait ce qu’il cherche dans le rêve
car quand je te vois partir
c’est que ton appel me tient
en voix dans tous les aujourd’hui
d’une reprise et l’œil sans fond
répand toute l’eau de nos oublis
alors tu m’asperges et je t’éclaire
d’œil dans les renversements du sens
Ce poème et cette image viennent accompagner la lecture du livre d'Emmanuel Laugier, Chant tacite (éd. Nous, 2020) à l'invitation de yann Miralles qui a rassemble un beau dossier. On peut le lire à cette adresse : https://remue.net/serge-ritman-en-une-hypothese-de-voix