Ta nudité
La nudité n’est pas un état du corps, c’est le corps qui devient corps-relation
La nudité n’existe pas, c’est ta nudité qui est, c’est-à-dire qui me fait
Je te vois nue dans ta main, dans tes yeux, avec tout le maquillage qui te couvre, les vêtements qui te protège ou te montre, les bijoux qui en signalent d’autres
Je ne te vois pas nue, je te rencontre nue, je t’approche nue
Ta nudité est le nom que je donne à notre relation
Ta nudité est la matière de notre amour
Tu es nue donc je t’aime
On comprend que ta nudité me déshabille plus que je ne te déshabille du regard ou avec mes mains : elle me met à vif : elle me rend vivant jusque dans ce qui fait signe de mort : plus fort que la mort
Ta nudité met ta vie dans ma vie
L’origine du monde de Courbet n’est pas vraiment vu quand on veut réduire la mise à nu à la monstration d’un secret, à l’ouverture d’un temple, à l’accomplissement d’un interdit, etc. L’origine du monde de Courbet, c’est l’extraordinaire lumière de la jouissance autour de sa propre invisibilité, de son inconnu, de la nudité comme inconnue de la relation. Ce tableau ne demande pas d’être voyeur mais voyant. C’est toute la différence entre la maîtrise et l’abandon, le dévoilement et l’extase, le plaisir et la jouissance. L’origine du monde ne montre pas l’invisible, il crée l’invisible, c’est-à-dire tout ce dont on a besoin pour vivre la vraie vie
Le plus obscène dans de telles scènes c’est peut-être le visage, et je crois que ta nudité m’apparaît le plus dans tes yeux, les yeux dans les yeux ou autrement la main dans la main
Ta nudité nous met dans l’impossible : elle nous porte
On ne porte pas la nudité, on est portée par elle : on est emporté : ta nudité nous jette dans ce que Marina Tsvetaieva appelait « tomber dans tomber »
Ta nudité est obscène mais pas de cette obscénité qui écrase au lieu d’élever, qui trompe au lieu de révéler
Ta nudité n’est pas un quart d’heure de célébrité : c’est une expérience infinie du continu du corps et du langage, de la relation qui nous fait être au plus loin, profond, haut, qui nous fait danser, voler, nager, courir, dormir : tout en même temps
Ta nudité c’est le noyau poétique de notre relation : c’est l’origine de notre avenir
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire