lundi 20 avril 2009

Au pays de l'oubli (fin)



Il récitait quelques poèmes. Des ressouvenirs en avant. Qu’il écrivait en marchant. Qu’il notait ensuite. Dans ce qu’il avait appelé. Mon livre de route. Un titre restait lisible. Sur la première page. Dans ta marche.

 

légers déplacements

loin d’une gesticulation

à la redéfinition d’un

espace de l’émotion

neuve j’arpente ton déplacement

 

miracle et nudité d’un

dépouillement du corps en marche

violence d’une démarche dans ta

peau d’un non-lieu

ahanant arpentant

je me suis mis dans ta marche

 

résister à l’immersion

en perpétuant l’andain

gestes et rythmes avec une

légère ondulation sur la crête

dans mes reprises ta danse

sur les flots tu lèves

légères et parfumées

les herbes tu recueilles

mes chemins tu marches une continuité

une approche une proximité

le bouchon flotteur d’un

rapprochement

ma marche dans ta marche

 

mes premiers pas ton souvenir

un enfant marchant

un photographique

passage de nos premiers pas

 

les grands espaces traversés

font les dimanches

vers le digne dôme

dans les genêts sans nombre à gravir

 

toutes marches confondues

ton poème défait

une allégorie parfaite

de mes marches allotropiques

 

tes longues coulées de couleurs

déversant mon ressassement

non un de tes égarements

le lent labeur de ma lente

marche tes longues inscriptions

anthropomorphiques et cosmiques

lente apparition de ta vue

non surgissement le magique

flux de tes paroles lentes

magiquement vraies et claires

se dévoilant le regard dans ce

texte me liant en touches

t’accumulant dans le labeur

du peintre écrivant nos malheurs

laborieux à l’œuvre des silences

parenthèses s’ouvrant en sauts

s’approchant plus proche de ta

lente émotion belle inondant

l’œuvre de beautés au tragique

ravissement

composition picturale sans image

charriant dans ta marche

les couleurs du temps

les matières versant l’œuvre en

marche s’écrivant poème

mouvement lent révolution

comme ton regard lent vers les oublis

de la mémoire mise en bouche

ton texte inondant ma vision

lecture écriture de notre rêve

 

sentiers de ma mémoire écrite

tes pas inscrits dans les miens

au cœur d’un mouvement

une horizontale élévation

 

marchant s’entretient une inscription mouvante

 

meurtris mes

pieds ont ta vision

je fabrique la mémoire

de ton lieu partout

 

se colore ta matière

intériorité sculpturale

que mes yeux parcourent

dans ton mouvement engageant

dans cette marche le printemps

de l’automne

 

alors

ton espace remplit mon vide

enfouis en tes plis nos corps

se vident pleins de marches

 

l’avancée irréfléchie des pieds

transmettant ta chaotique vision

mon sol ma solitude

dans ta déambulation

mes pupilles dilatées

se contractant

dans ton va-et-vient

 

perpétuation te perpétuant

dans ton rêve ma marche

 

ainsi

sans m’attarder du sol

aux coups d’œil vers tes lointains

 

sollicitant seulement ton avancée

 

au rythme chaotique de

ta phrase en visions d’un

corps neuf

 

cette façon qu’ont nos voix de rester

là pour s’écouter partout

 

cet après-midi sous ta pesanteur fine

ta pluie continue

peut-être seulement rouiller mon pays

trace de ta nue

 

statique puissance souveraine

ta géographie tes éléments mobiles

une gamme immuable

trop reconnaissables

se jouent de ma vision

trop bien disposés

trop pressés

en est-ce une encore

tu bouges ton immobilité

je fixe tes mouvements

 

alors

aimer cette promenade cette période aimer

le neuf dans le bougé

ton regard hors ma vision

 

tes rêveries portées au fil du courant dans

mon lit comme tous les paysages

portant ton fort courant de ce jour-là

donnant l’impression de piétiner

nous halant au gré de ta vitesse de tes courbes

 

les anfractuosités ces replis de ta marche

nous plissent comme rire dans sourire

 

pour suivre ta rive enfoncée

alors cette péniche

remontant et si

nous nous abandonnions à ce fleuve

 

le bonheur à tes côtés

n’est que ton voyage

dans tous mes déplacements

vers l’inatteignable destination

seuls havres

mais goûter ta marche

comme vivre l’ivresse

et les poids qui distendent

tes désirs qui ne s’entendent

l’attachement

nous est l’infini

détachement

de ta commune

marche

 

marcheur  

au corps dénudé

noyé dans la multitude finie

 

alors ta volubilité

ton passage

sur la pétrification

vivante de mon sol

étagement de tes saisons

senti par l’appendice du voyage

hors notre histoire pas d’espoir

au rythme de tes naissances géographiques

ton bâton à ma main

 

érection

d’un appel tous tes noms

dans le paysage ton rythme

des lieux inconnus

 

cette longue randonnée ton vertige

entre ton ciel et l’eau

secoue déambulant le rêve

de mouvements et de gouffres

 

comme le poème me noie

ta crayeuse falaise

dans le vacarme des mouettes jette ta

blancheur aux verts remous

sous ton ciel qui chevauche mes nuages blancs

et déploie ton vertige au péril de ma marche

au bord d’un précipice

vers nous sans que fonde

ta chute et

les éléments orphiques

au fond de tes pas sous leur tournoiement

 

ma marche suspendue

s’élance dans ton poème

 

tes mots et se déploie

la courbe tabulaire avec

ta marche mon labyrinthe

 

tes mots et le dithyrambe

tes marches dionysiaques

ta dynamique nos corps

des objets drossés

à ton gouvernail sans

gouverne

tu établis sur ma terre

une côte

 

pour y accoster

côte à côte ta marche

et inconnu la volubilité

s’y mouvant sans cesse

 

continu le flux de

discontinuités événementielles dans

ce passage

par ces quotidiennes marches vers ton ciel ponctué

sombre vu d’ici-bas

j’erre je passe je marche je repasse tu

m’enfuis l’inexorable

fuite de mes marches contourne de tes détours

ma géographie dans

ton temps je continue

notre relation son flux

la lente accumulation

de nos marches

 

semblable à mon désespoir

ma dispersion

ma procession somnambulique

dans tes marges

nos humaines sécrétions

 

de tes marches

grossissant mon lent cortège

théories de mots en errance

sécheresse noyée dans le flot de tes pas

défilant

 

nomade dans le déambulatoire

de tes promenades

le poème va l’amble et il me semble

perdre ton auditoire

mon chœur te contourne dans le

silence ambulant à écouter la galerie répugne

ton chemin sous terre

des mots de ta marche

en un sentier transversal creuser

la bouche de mon

musée le mouvementé

une galerie de marches

dans les mots sédentaires

 

les chemins t’écrivent

effacent ton inscription

et l’essai désespéré cette histoire

d’un cheminement

de tous ceux qui parcourent les paysages

leurs rêves nus

 

détours au rythme des accidents

simple invitation appel simple

suivre les passages du voyage

effacer l’inscription dans le paysage

 

j’écris alors ta

géographie dans ton histoire

nos multiples marches

pérégrinations avec la mort

en retours de vie

 

lente aspiration

aspirant la déambulation

sans s’attarder aux accidents

d’une vision purement anecdotique

noyé le regard déplace

le lieu perdu dans la joie

d’une commune géographie

je marche marchant tes lieux

avec ta vie ma vie marche

et ta lente expiration

inspire ma déambulation

tu me marches je te suis

 

Dans ta marche. Il continuait. Refermant le cahier de route. Il le donna ou l’oublia. Le conte n’en finit plus. Depuis toujours. De bouche en bouche. Au pays de l’oubli. Plus loin que la mémoire. Je te suis donc tu me marches. Il me le dit dans le silence. Infiniment. Il aura été mon écoute. Au pays de l’oubli. Là où l’on entend ce qui est tu.

 

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