dimanche 1 janvier 2012

Yann Miralles, Jondura Jondura, éditions Jacques Brémond, 2011.



Ce livre continue trois fois du revenir plus que du souvenir et trois fois le poème survient, invente du survenir. Le poème ou la voix cherche et trouve – il faudrait écrire se trouve en cherchant, sans s’arrêter de s’écrire – d’abord « une phrase aussi creuse sonore évasée qu’une cloche », puis « la profondeur la surface n’ont plus cours » dès que « tout tremble la mémoire », et enfin « s’ouvre / l’enveloppe temporelle du poème ». Ces trois motifs, auxquels s’en adjoignent quelques autres tout aussi importants qui, de la danse d’Andrés Marín à la « plage de silence » d’un journal en passant par « le film en super-8 » muet mais « qui à sa manière / parle – nous fait / parlant », construisent les deux temps trois mouvements d’un chant gitan aussi proche qu’il est lointain dans une écriture creusant sa voix pour résonner multiplement d’autres voix jusque dans notre écoute. Soit Yann Mirales, dans la lignée d’un James Sacré, réinvente empiriquement la notion de recueil un peu comme Montaigne avec ses essais trouve sa voix, soit l’auteur de ce triptyque la laisse monter dans le continu d’un journal de notations après un spectacle de danse, une exposition, un voyage : mais plus que d’une alternative, il s’agirait d’un même moteur à deux temps ou deux modes interagissent, l’essai de répondre aux appels d’altérité et l’écriture d’un diariste du présent alors même qu’il dit perdre « toutes les notions ».

Cette écriture invente les jours comme autant de présents où « il faudrait / savoir tout inséparer » et d’abord temps et relation, sans toutefois viser la confusion d’un « art / de l’invisibilité » (Apollinaire évoqué avec une forte pertinence) qui ne verrait pas « l’infime détail » ni le « hors champ ». Dans ces notes « sur un spectacle » chorégraphique et sur « une exposition consacrée à Nimeno II », plus précisément un film amateur où s’aperçoit « le regard noir enfant du torero », puis notes de voyage « dans l’après-voyage », les temporalités se font entièrement relationnelles, transsubjectives jusqu’à nous, lecteurs. Et cette voix aiguise notre écoute aussi bien des renversements « profondeur surface », « roule ou reste », « de l’oreille à la cloche », etc., que de tel « déplacement d’un saut de puce » ou « son corps dansant paradoxal » dans des « gestes qu’il fait / bien que sobres et positions / envisagées très peu ». Le poème répond « à partir de là » et offre une « enveloppe » comme ressouvenir en avant – au sens de Kierkegaard. Ce serait le pourquoi ou plutôt le comment de la reprise dans le titre : Jondura Jondura. Ces reprises de danse en bouche trouvent le poème jusqu’à son devenir-silence le plus résonnant qui soit. Si Georges Didi-Huberman ouvre avec la notion d’accentuation, je peux affirmer que Yann Miralles avec ce poème des mémoires est au plus vif d’un langage-relation qui met « les pieds dans le plat » de la poésie au point de rougir comme son carnet sans aucune honte car son lecteur ira toujours chercher ce « mouchoir de la nuit » plein « des paroles en poche et presque tues / les crier / sur tous les toits » : Jondura Jondura.

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