Il est mort l'ami.
Il ne peindra plus les corps, ne tiendra plus la main des figures, ne poussera plus les couleurs: il est passé derrière les toiles, les dessins, les carnets, les visages pour mieux nous voir, nous tenir dans sa vue.
Et sa vue nous engage à le suivre dans ce qui ne peut pas se voir sans transformer tout ce qu'on peut dire avec l'art, tout ce qu'on peut vivre depuis l'art. Cela demande de recommencer avec ses gestes qui sont des gestes éthiques bien plus qu'esthétiques, des gestes vertigineux bien plus que des gestes calculés, des gestes qui déchirent, dénouent, démembrent tout en renouant, remémorant organiquement tout ce qui fait le mystère du corps vivant, de la vie des corps, de la vie corporelle. Oui, sa peinture est la geste d'une main s'épuisant à porter tout l'organique à hauteur d'humain, à hauteur de tout ce que peut un corps, à hauteur du divin de l'homme vivant jusque dans les plus extrêmes souffrances, jusque dans la déréliction la plus banale. L'enlacement amoureux de sa main avec le papier et sa déchirure, avec la couleur et ses coulures, fait de sa peinture et de ses dessins les opérateurs d'une vue qui emporte tout notre regard dans un ailleurs du visible, dans un visible qui traverse tout le corps, toute la vie, tout le langage pour ne jamais s'arrêter: sa signature est une danse, ses dessins et toiles sont des chorégraphies de l'humain au plus près de ce que nous sommes avec tout ce qu'il nous faut comprendre sans jamais pouvoir nous l'expliquer: les horreurs et le rire, les souffrances et l'amour, les disparus et l'oubli, la mort et la vie.
Ben-Ami signe encore et toujours l'enlacement d'un tracé, comme on dit un phrasé, qui fait une voix qu'on ne peut cesser de voir pour qu'elle nous tienne debout dans nos nuits face à l'inconnu.
Ben-Ami est vivant quand notre vue se lève devant ses dessins, ses toiles.
Voir aussi:
http://revue-resonancegenerale.blogspot.com/2008/12/un-ami-est-parti.html
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