Olivier Gallon, Comment va ta
montagne ?, La Barque, 2017.
Je ne trouve
pas si souvent une pensée de la résonance en littérature – c’est-à-dire pour
vivre ! Je viens de la lire dans une formule écrite par Tatiana Nikishina
dans la postface de Comment va ta montagne?, qui vient comme épouser les quatre moments de ce
livre à l’énigme maintenue. Je viens de lire et relire Comment va ta montagne? en
repensant aux livres rares de Georges Lambrichs. La formule donc est la
suivante – je souligne : « nous nous retrouvons d’un coup désarmés
dans ou devant cet espace d’extrême perméabilité, ouvert aux signes et aux significations,
traversé par des images voisines, tout aussi lointainement rappelées, jusqu’à
ce que la syntaxe entre dans l’histoire
et l’histoire dans la syntaxe ».
L’espace est
effectivement syntaxique ou plutôt ce serait l’histoire d’une phrase, donc si
l’on veut bien entrer dans l’écoute, son phrasé. Mais rien n’est gagné d’avance
dans cette aventure d’autant que l’enjeu, d’un tel phrasé reconfigurant
l’espace ou joignant deux espaces, consiste bien à maintenir le risque de
l’aventure, et d’abord un principe d’entrée en matière qui associe à un rire
l’essoufflement ou, pour le moins, qui historicise une syntaxe de l’histoire à
couper le souffle, parce que bien vivante. De cette vie que vous font des
expériences de vie et ici de langage dont les résonances ou échos
retentissent : « tirer la couverture à soi » peut aussi vouloir
dire « pour se réchauffer » ! On se perd certainement mais se
retrouver demande aussi de confondre le lieu d’une telle retrouvaille avec
celui qui a perdu toute cartographie possible, comme aussi avec ceux dont la
présence s’est perdue, où dont l’absence ne se peut savoir. Alors ces motifs
qu’on peut dire protocolaires – au sens d’un dispositif d’expérience – engagent
toute la lecture dans les problèmes de la relation et jamais de ses termes :
se mettre à la place de quelqu’un d’autre, par exemple ! quelle expression,
digne d’une « catastrophe naturelle », d’un retirement voire d’une
fuite, mais en faisant attention, du moins en hésitant bien des fois, en comprenant
aussi combien le continu de tout (les paysages et les gestes, les sensations et
les formulations, une barque et un arbre - il faudrait signaler la parution du numéro 1 de la revue qu'anime Olivier Gallon après avoir longtemps animé La Barque (https://www.entrevues.org/aufildeslivraisons/barque-larbre-n1-hiver-2017-18/), etc.), est à entendre au cœur d’un silence même crié. La
résonance est d’abord une question à répéter trois fois, « Où
êtes-vous ? », sans espérer quelque réponse que ce soit autre que l’aventure
d’un recommencement, d’une relecture, d’une écriture continuée. Comme cette
barque du troisième texte qui relie ce qu’on ne peut vraiment saisir autrement
qu’à l’embarquer mais « avec détachement, là où l’attachement ne manque
pas » ! On aura compris que cette écriture ne se dérobe pas pour rien
pas plus qu’elle ne se donne pour autre chose que de penser qu’elle nous voit
nous dérober nous-mêmes ou qu’elle met notre lecture en situation de se donner
à ce qui ne peut se savoir. La résonance est alors in fine – mais sans fin bien évidemment comme dans un éternel
commencement de s’entendre – celle qui vient du « règne de la confusion ».
Et pourtant, quelle force visible-audible : coup de tonnerre aussi près de
l’éclair qu’il est possible pour que le « platane dinosaure » (la
littérature ?) ait « sur son tronc deux cernes noirs qui lui faisaient
des yeux ».
Olivier Gallon livre avec cette suite en quatre mouvements une résonance dont l’étendue refait notre vue de la voix. Alors notre voix embarque pour des histoires dont la syntaxe coupe le souffle. On est en fin de lecture (mais elle demande un recommencement) sans voix l’ayant pourtant retrouvée à vif.
Chacune, avec soin, nous fait découvrir un monde d’un fragile et étrange équilibre entre l’émotion et la pensée. Comment va ta montagne ?, qui a précisément donné son titre au livre, semble côtoyer le conte.
Chacune de ces proses s’inscrit dans une espèce de géographie et se partage « un paysage », à la fois matière sensible, lieu d’action ou bien milieu d’apparition (et de disparition).
D'une exigence poétique, ces proses, bien que distinctes, s’échangent dans un espace d’une extrême perméabilité, ouvert aux signes et aux significations, où, de l'une à l'autre, dans la résonance des échos proches et lointains, ce qui est dispersé se retrouve, se répond, ou simplement résonne.
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