Benoît
Conort, Sortir,
Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017.
Plus
de dix ans après Ecrire
dans le noir…
Est-ce la fin de la chanson célèbre de Leonard Cohen, dance
me to the end of love,
qui a tiré le poète dehors
quand presque tout ce livre, Sortir,
s’écrit dedans
puis
esquisse une sortie dans les parages (pas trop loin ?) avec
jardins
(« d’hiver » puis « d’hier » mais pas
d’aujourd’hui ! et encore moins de demain !) ? A
moins que deux vers, l’un de Baudelaire et l’autre d’Apollinaire
serrés dans une même page, n’aient entraîné quelques oiseaux
(de malheur ?) pour qu’« ils tendent / des phrases dans
le ciel des bouts ». Mais c’est le peu qui l’emporte (oui !
des bouts !), du moins une énergie pascalienne règle le dire
d’une sortie, non pas prudente mais sans illusion, parce qu’« il
fait dehors comme / dedans » ; et tout le livre conduit à
ce dépit celanien : « tant de voix dehors / quoique si
peu de musique ». La petite musique du livre : il y a
« l’ombre et sa nuit » comme une reprise de la
condition humaine où consonnent « larmes », « elles
s’arment » et « alarmes ». De grands pans du
livre pris (englués ?) dans cette prosodie (« la proie
d’ombre / elle qui proie / dans l’ombre ploie ») à la
Ghérasim Luca. S’agit-il donc de « s’en sortir sans
sortir » ? Mais le livre qui, dans sa première
partie, associe nuit et ombre, massacre et disparition d’une
« absente », s’achève sur « où aller ? ».
D’autant que ses « jardins » se seraient contentés de
la « nuit animale » ou « du temps » qui
« respire dans les herbes » où « le corps parfois
pose son poids » – un consonantisme qui pèse tout le « p »
muet du corps… Alors, l’étude légèrement modifiée des pieds
d’un apôtre d’Albrecht Dürer, datée de 1508, en couverture, ne
serait-elle pas l’envoi d’un dire, « ce vers quoi l’on
penche » : « celui-ci n’a / de nom pas ». Un
livre (de l’évidence) de l'évidement, tout
contre la
vie, la poésie.
1 commentaire:
J'ai lu récemment Sortir et je suis bien d'accord avec vous : ce titre peut se lire comme un projet de sortie, davantage qu'une évasion effective. Rimbaud disait déjà : "On ne part pas". Mais il y a malgré tout quelques pages plus lyriques, en particulier sur la mer, qui me font croire qu'il y a bien, malgré tout, une sortie, une issue, voire une forme d'apaisement.
Vous trouverez ici mon propre compte-rendu de cet ouvrage : Benoît Conort : Sortir.
Merci beaucoup pour cet article.
Gabriel Grossi, Littérature Portes Ouvertes
Enregistrer un commentaire