Françoise Delorme, A la
longue,
Saint-Benoît-du-Sault, Tarabuste éd., 2017.
Ce
livre fait un poème en quatre temps. Il creuse un problème
poétique/politique que je vais suivre à la trace, porté par le
poème qui invente de je en je une
solitude partagée partageable de solitaires solidaires – pour
reprendre à Hugo mais peut-être en ajoutant ce qu’écrit
Françoise Delorme : « Pour parler, il faut une langue. Et
des dents » ! Alors le poème fait entendre, entre autres,
Sibélius et les couleurs ou plutôt, comme disait Braque,
l’entre-deux, l’interstice de tout… Comme ces mots qu’on ne
connaît pas ou si peu : aphylantes, astrance…
mais c’est tout le langage, sa grammaire et surtout son allure, qui
se met à l’inconnu d’une écriture sur la neige,
avec les mains au milieu des paroles, dans l'éphémère
de toute parole. C’est un poème matérialiste qui pense sa
condition et sa situation jusqu’à l’attention portée à
l’infime, à l’invu, à l'inattendu… Ce milieu des
paroles est le début d’un entraînement à la danse ;
ça peut être avec un titre de James Sacré mais aussi avec un
oiseau – un cabaret par exemple ! Bref, le
poème se fait chant en allant jusqu’à nous faire avaler l’oiseau
sans recracher les plumes ! Au bord d’un humour ou à deux
doigts de l’ironie, tout le livre ne fait qu’œuvrer à la venue
des voix – jusqu’à des visions agrandissantes quand le fleuve
devient la mer ou quand la peinture devient poème. Bref il faut tout
reprendre : et d’abord les infinitifs de dire à écouter en
quatrains où tout le discontinu se dénoue en continu : ce
serait modeler avec des mains d’argile.
Et l’on sent jusqu’au moindre tournant du poème l’inflexion
d’une main qui a longtemps cherché cette naissance à la
longue : devenir partie prenante, elle attend que naisse le
texte. Ou plutôt la jeune fille dit : « vous existez
aussi et c’est depuis toujours… », depuis l’art pariétal
comme le bruit du temps ou l’épaisseur du noir. Toute l’écriture
de Françoise Delorme emporte cette hétérogénéité temporelle,
discursive, de matières-vies-voix dans l’ouvert des arbres sans
aucun mot d’appartenance autre que venir : elle vient
la jeune fille comme le poème. À
la longue. Tout le livre est ce venir, cette
naissance, cette jeune fille, cette poussée vocale, cette relation.
On peut commander ici : http://www.laboutiquedetarabuste.com/fr/collections/doute-b-a-t/autres/delorme-francoise-a-la-longue/201
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