John Taylor (traduit par Françoise Daviet) et peintures de
Caroline François-Rubino ; Hublots,
Portholes, L’œilébloui, 2016.
Comment parler de ce livre ? d’abord parler non d’un
livre mais d’un album… Mais Roland Barthes, dans sa Préparation du Roman, les oppose pour finalement conclure sur une « dialectique
du Livre et de l’Album » (p. 351) ! Aussi ces quarante-cinq hublots inventent-ils
une dialectique bien spécifique qu’accueille la maison d’édition l’œil ébloui
(http://www.loeilebloui.fr), animée par
Thierry Bodin-Hullin, qui non seulement porte bien son nom avec une telle œuvre
mais montre combien les grands livres sont la résultante d’un continu de formes
qui s’engrènent (textes, peintures, éditions) et d’une rhapsodie de circonstances
devenues éblouissantes dans leurs rapports. Les peintures et les textes ici
résonnent comme autant de « hublots » qui énoncent une expérience du « bleu
profond » au « bleu clair », de « l’ombre de la nuit »
à « la nuit enfuie ». Si les textes sont centrés-décentrés comme les peintures,
ils tournent les uns et les autres dans une danse « à jamais / entre //
les possibles » : « inaperçu encore / imprévu ». Tout le
livre/album m’évoque Baudelaire et son phénakistiscope dans la Morale du joujou qui développe, chez les enfants (chez tous!), « le
goût des effets merveilleux et surprenants ». Ainsi ces « hublots »
de John Taylor et Caroline François-Rubino seraient-ils des petits dispositifs
qui mettent en mouvement « le tournoiement bleu » où les dualismes
habituels de la vision et de l’écoute, du voyage et du séjour, du langage et des
images, de la nuit et du jour etc., se voient tous retournés, convertis. Cette metanoïa, comme on disait en grec, fait
relation de relation : les peintures se font écoute fine des atmosphères,
prosodie du bleu au sens où la main et ses gestes s’y entendent délicatement le
plus souvent ou brusquement parfois ; et les textes se font résonance
attentive des visions, prosodie des matières imaginaires au sens où la phrase
et son phrasé légendent en forme de hublots une expérience énonciative qui
associent les « bourrasques bleues » et « la douce / clarté »…
La conversion est aussi traduction : l’anglais des Etats-Unis et le
français (d’Angers ?!) puisque nous avons le texte dans les deux langues,
sauf qu’il nous faut ne pas y voir deux langues, mais plutôt un passage, une
relation, un poème... exactement comme pour les textes et les peintures, exactement comme
le hublot qui n’est pas un dedans et un dehors, une vitre séparatrice, mais l’expérience
d’une pluralité de passages, d’une épaisseur temporelle et spatiale à traverser, à vivre. En fin de
compte, le livre-album aurait entretenu l’interstice du hublot au moins
quarante-cinq fois et tous ces hublots resteraient dans la nuit de nos relations
cette merveilleuse expérience plurielle qui maintient sur les « crêtes
vives » le mystère et la légende de nos voyages, de nos vues, de nos vies,
de nos voix. Comme Baudelaire concluait : « Puzzling question ! » ou poème...
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