lundi 14 décembre 2009

Ton nom dans mon oui



plaie devient mot
mot devient geste
geste poème
mon oui dans le non
Ilana Shmueli


Ce poème fait comme je te parle. Ce poème fait comme tu me parles. Comme tu me parles dans mon écriture qui appelle. Sait-elle qui ? Je sais que c’est toi mais tu me fais autre et alors je monologue autant de tu que tu me multiplies. Ce poème fait comme nous nous parlons. Je fais silence ou je suis volubile. Tu es le silence de ma volubilité et je suis volubile avec tes silences. Tu attends que je te dise et tu parles d’autre chose pour que j’entende. Nous nous parlons par-dessus tout ça sans nous entendre toujours. Nous nous entendons parfois. J’élève la voix et je me tais. Tu viens et tu pars. Tu demandes sans rien dire et tu appelles sans cesse mon nom. Je l’entends loin, très loin de moi. Mais plus tu appelles, plus il s’approche. Il me pénètre. Tu m’envahis de mon nom. Il ne m’appartient plus. Il m’envahit de toi, de ton souffle. Mon nom me traverse plein de toi. Mon nom est ton appel. Nous nous comprenons par-dessus tout ça sans nous entendre toujours. Nous nous entendons souvent. Ce poème nous fait. Tu me fais ce poème comme je t’écris et je te fais ce poème comme tu me parles. Ce poème nous fait parler. Ce poème nous parle puisque nous nous entendons très loin. Ce poème nous fait très proches. Nous venons dans ce qu’il nous fait. Nous nous faisons tout entier dans sa venue incessante. Nous nous emmêlons dans son inaccomplissement. Il ne peut cesser tout pendant qu’il nous cherche. Je te réponds dans son recommencement. Tu m’appelles dans sa voix infinie.


Buée de buées, a dit le Sage des Cinq Rouleaux. Buée de buées, tout est buée dit tout autre chose que vanité des vanités. Vanité ne répond pas ta tristesse. Ta tristesse quand je ne veux plus voir ni entendre. Voir les noirceurs de ce qui nous encercle. Les noirceurs de ce qui part en cercles autour de nous quand nous perdons la vitesse de nos marches. Nous nous perdons dans la buée. Nous ne voyons plus nos pas. Nous voyons nos pas qui piétinent sur place. Je marche dans tes pas et tu marches dans mes pas et nous nous piétinons dans le noir de la noirceur. Le noir de tes lunettes qui voient le noir de mes yeux. Pupille de ma pupille, je te vois tout voir en noir. Et mes yeux se renversent en malheur du jour. Ce jour qui nous encercle dans le gris de tous les jours d’un toujours encore plus noir. Tout le passé s’éclaircit dans ce demain qui fuit. Dans nos pas qui piétinent dans nos yeux. Nos pas font le noir de nos yeux qui font des cercles. Nos yeux font des cercles dans nos pas qui piétinent en rond. En rond de ronds. Alors la spirale de nos noirceurs dans le gris des jours élargit la lumière du noir de tes yeux. Tes yeux illuminent mes pas qui éclairent le noir de mes yeux. De tes yeux qui brillent d’une lumière noire pour que mes pas portent ta lumière. Ton désespoir porte mes pas vers ta lumière noire. Ton désespoir fait l’éclair de tes yeux pleins de buée. Tu éclaires le cercle de nos buées.


C’est bien toujours dans tes yeux que je vois le ciel pour la première fois. Sans y croire du tout, le voilà comme chez Tiepolo même s’il change en si peu de temps. Ce sont tes yeux qui me demandent de ne pas rester dans quelque extase. Dans cet arrêt du mouvement quand les nuages passent toujours au gré du vent qui souffle dans tes cheveux. Dans nos regards échangés si vite parce que le silence suffit pour comprendre que l’heure vient. Le renversement du bleu dans ton noir étoilé. C’est encore dans tes yeux que le ciel plein de nuit me guide sur la mer des jours. Les jours et les travaux se nourrissent du ciel de tes yeux toujours changeants. Tes yeux font mon ciel qui continue la première fois chaque fois qu’un nuage bouge. Chaque fois que la lumière change, chaque fois qu’un ange traverse tes yeux. Je ne crois pas au ciel hors de tes yeux. Je crois au ciel de tes yeux qui cache derrière ses nuages mon ange gardien. Il ne le cache même pas puisque chaque fois qu’il change c’est mon ange qui étire ses ailes. Il étire ses ailes pour que tu cilles. Pour que tu me fasses signe que ton ciel est encore la première fois. La nuit et le jour quand tu fermes les yeux, ton ciel vient dans mes yeux que je ferme. Je ne ferme jamais les yeux sans garder ton ciel. Le ciel de tes yeux met tout mon corps au ciel de ma nuit intérieure. De mon jour qui commence toujours dans le ciel de tes yeux.


De près tu veux dominer la mer. Tu veux toujours la voir apparaître. Cette immensité qui arrondit la terre. Qui nous fait tourner et retourner l’un sur l’autre au ras des herbes qui volent. Des folles herbes sèches des dunes. Elles nous arrondissent pour nous voir venir au bord du monde avant de tomber. De rouler le long de l’océan qui n’arrête pas de divaguer sur ses bords. D’aller et venir. Non, de partir et de ne jamais en revenir de ces courbes qui l’observent au gré du vent. Au gré des lunes qui tournent. De tout ce qui se plie à tes courbes et à nos enroulements. Les roulements de résonances que font toujours les vagues qui avancent et reculent. Qui longent cette bordure à peine frisée d’une écume blanche. La dune fait tourner la terre pleine de mer dans l’écume de ton ciel. Tes yeux renversent le ciel qui tourne comme la mer sur la dune. Sur les herbes folles qui courent en rond. C’est le vent de la dune qui arrondit toutes les lignes qui vont et viennent. C’est la ronde de tes dunes qui fait le vent des caresses de l’herbe. Le vent des vagues qui caressent le bas de la dune. Qui touchent de leur écume la folie des herbes face à la mer. Face à l’immensité du temps qui entasse le sable des dunes où nous roulons depuis toujours. Et la mer continue d’arrondir la terre. De tourner autour de cette dune. De ta dune qui tourne sans jamais dominer la mer. En voyant toujours la mer apparaître pour la première fois au prochain tournant de ta dune.


C’est celle qui toujours se lève la première. Celle que je vois quand tu portes le ciel dans tes cris. Celle que je vois se multiplier dans les larmes de ton égarement qui m’emporte. Je me perds dans ta voie lactée. Pas de métaphore quand elle se lève toujours la première. Cette étoile qui toujours se lève la première m’aveugle longtemps dans ta clarté. Je n’ai jamais pu adapter ma vision à cet aveuglement. Il me tient la main dans le bonheur. Il m’aveugle dans le malheur de savoir qu’il est là fragile comme une étoile dans la main. Comme la lueur que je peux éteindre si j’oublie ma main. On ne commande pas sa main quand elle est tendue. Tu attires ma main comme l’étoile la boussole. L’étoile qui là-haut ou là-bas nous guide dans nos obscurités. Dans les obscénités. Ces dérangements qui nous mettent en boule et parfois même nous égarent l’un contre l’autre. Je n’ai pas oublié de faire un vœu quand filait ton étoile. Quand tombait la mienne sur l’horizon éclairé par la ville lointaine. Ton étoile filait pour rattraper la mienne sans nous éclairer davantage. C’était encore l’obscurité de tes mains qui gardaient le noir pour voir. Pour voir encore toujours celle qui se lève la première. Pour m’endormir les yeux ouverts avec ton étoile dans le creux de ton rêve. De ton rêve qui m’emporte jusqu’au firmament de ton étoile. Celle qui se lève toujours la première dans ma nuit. Sans oublier le vœu de sa lumière.


C’est pour nous perdre que les arbres s’approchent les uns des autres. Nous nous perdons dans le cœur de leurs attouchements. Il nous reste ces bouts de ciel qui éclairent notre solitude. Nous nous rapprochons dans leur enlacement toujours plus proche. Seule une biche une fois débusquée dans cette immensité de ciel nous a montré qu’il pouvait se réduire à un mouchoir. La fulgurance du saut de la biche sur nos corps enlacés dans les racines mettait le ciel à l’envers. Le ciel de la forêt est dans l’odeur de son humus. Nous respirons autrement dans les bras enlacés des arbres et cherchons l’air des enfouissements. Si la mort vit dans l’étagement des saisons, elle met le ciel sous nos pas et nous couche. Nous nageons dans ces couches de temps qui sentent fort la mort au point de donner vie à tout ce qui résiste aux intempéries. La forêt nous perd. Tu serres plus fort ma main et je mets plus près mon pas dans le tien. Avec la forêt nous savons que nous sommes perdus. Que nous nous sommes perdus à vie. Que nous sommes dans la mort qui bruit dans le silence de nos souffles. Mais la biche qui fuyait nous a réveillés. Nous croyions nous être retrouvés alors que nous étions bien perdus. C’est toujours perdus que le chemin se trouve. Les arbres nous montrent le chemin en nous perdant toujours plus dans notre forêt. Notre forêt où nos cris se perdent dans le ciel de nos morts et se répondent dans la terre de nos vies.


C’est tout l’un ou tout l’autre, comme disent les gens raisonnables. Il est tout ce qu’on voit ou alors ce qu’on ne voit plus tellement il est toi. Tellement je te vois sans te voir et lui avec. La beauté tient à un grain. À ce grain qui met le regard dans ta beauté. Ta beauté qui ne tient pas à ce grain mais que ce grain tient. Que ce grain ouvre à tout ce qui ne se voit parce qu’il est si voyant. Parce que je ne le vois plus autrement que comme le signe de ta beauté. Il est le signe que je ne remplace jamais par ta beauté mais que ta beauté m’envoie pour que je mette tout mon regard dans la bouche de ta beauté. Dans ton grain de beauté qui est la bouche de mon regard. La bouche de mes yeux qui oublient toujours qu’ils te parlent de ta beauté. Qu’ils répondent ta beauté en oubliant qu’ils te voient dès que ton grain les avale comme la bouche avide de ta beauté. C’est ta beauté qui met tout ton grain dans l’aveuglement de mes yeux pour qu’ils vident ton grain. Pour qu’ils remplissent ta beauté dans le grain qui fait de mon regard une bouche pleine de ta beauté. Ton grain de beauté oublie que mon regard fait le plein de son oubli pendant que ta bouche aveugle mes yeux. Ouvre mes yeux à ton grain pour que ma bouche boive ta beauté sans rien voir d’autre. Sans rien voir, mes yeux redoublent ton grain de beauté. Tu m’aveugles de beauté avec ton grain que je ne vois plus dès que je le vois comme toute ta beauté.


Les étés ne passent pas sans quelques gros volumes. Sans quelques poids que je traîne partout avec ton aide. Que tu soulèves et que je soupèse pour que les forces joignent nos lectures. Pour que la gravitation trouve au même point de voix l’attraction. Ces travaux d’été que nous observons aux bords de l’univers. Sur les chemins des fourmis et dans les ailes des aigrettes. La marée et les étoiles filantes conjoignent des forces pour que la volubilité et la retenue empêchent les voix de tomber en rhétorique. Tu ponctues les volumes d’exclamations quand j’interromps tes rêveries de citations. Tu aimes encore t’endormir dans les voix des pages qui parlent tout haut. Les pages tournent sans jamais achever aucun volume. Aucun volume n’est fini parce qu’aucune édition n’est définitive. Tu ne finis jamais les livres parce qu’ils ne finissent jamais quand tu les fermes. Tu continues mes lectures qui te continuent et nous nous perdons dans les gros livres des jours d’été. Dans les jours d’été qui traversent les volumineuses lectures comme les travailleurs de la mer. Ton nom écrit sur le sable des étés se lit dans les volumes énormes de l’amour. Dans les livres qui passent de tes yeux dans mes yeux. Nous nous enfouissons ensemble sous le poids hugolien du sable des lectures d’été.


Il est toujours minuscule. Les voisins et tous les autres le trouvent trop petit et moquent ce jardinage étroit. Ils rient de ce goût prononcé pour pas grand chose d’original toujours. De prétentieux comme si un jardin à la française pouvait se serrer à l’anglaise dans si peu d’espace. Il est toujours immense. Et alors la prétention devient si modeste jusque dans le méticuleux qui laisse pousser au hasard des vents et saisons. Au hasard des humeurs de tes genoux et des bonnes actions de mes mains. Au bonheur de tes travaux et au malheur de mes loisirs. C’est cela, je dessine et tu as le dessein. Je butine et tu as la main. Le jardin nous met au monde dans cette nature acculturée pendant que les lézards explorent notre culture en naturistes. En peau nue et froide au soleil des murs du jardin. Des dallages tantôt longuement aguerris par tes soins tantôt rapidement ajointés dans mes rêves. Il est toujours, le jardin, la miniature d’un agrandissement. Il est toujours l’agrandissement de nos corps si petits sous le vent et la pluie. Il est nos corps emmêlés dans les senteurs et les couleurs des feuilles. C’est le liseron. Ce sont les autres mauvaises herbes qui poussent comme nos désirs. Tu les recueilles dans un embellissement. Dans un dégagement de nos formes. De nos poussées. Ton infime est mon immense. Ton immense est mon infime. Jardinons toujours mon anglais dans ton français et mon français dans ton anglais. Comme au premier jour. Comme au paradis.


Nous ne nous voyons pas la nuit quand nous nous touchons. Si près nous touchons de nos mains et de toutes nos peaux la lumière de la nuit. Je l’appelle nos clairs de lune. Pour rire des vieilles lunes. Pour moquer les rossignols. Et il arrive que nous ne nous voyons pas le jour. Quand nous nous touchons nous ne nous voyons pas. Nous voyons la lumière. Nous voyons ce que seule la nuit peut faire voir. Nos clairs de lune sont cette lumière. La lumière de nos corps qui se touchent sans que nous puissions nous voir. Pourtant nous disons souvent que nous n’arrivons pas à nous voir pour dire que nous sommes loin. C’est justement quand nous sommes si proches que nous ne nous voyons pas vraiment. Mais ces clairs de lune nous font voir. Nous font voir ce que nous ne pouvons voir autrement. Nous font voir ce que nous aimons quand nous disons que nous voulons nous voir. Nous font voir ce qu’on ne peut pas voir. La lumière de notre nuit. C’est la lumière de notre nuit que nous voyons quand nous nous touchons sans nous voir. Et cette lumière qui envahit nos gestes résonne dans nos corps. Tu l’entends toujours plus vite que moi. J’entends ton écoute du bout des doigts et ton écoute parcourt mon corps. Tout mon corps jusqu’à mes doigts qui entendent tes clairs de lune. À ce moment, je ne te vois plus parce que la lumière m’éblouit. Seule ta voix me pénètre. Je te résonne. Tu m’illumines. Nous nous écoutons dans la lumière. Avec nos clairs de lune.


C’est toujours cette première fois. C’est encore la dernière fois comme la première. La fois comme toujours plusieurs et une seule. La fois qui n’arrête pas d’éblouir ma vue. Avec ce qui vient dans les yeux, c’est tout le corps jusqu’à toute la peau qui frisonne. Tout le corps sans qu’intérieur et extérieur ne trouvent les limites. L’air de ta nudité éblouit tout l’espace qui devient tout mon corps. Tout ton corps qui devient tout mon corps. Ce n’est pas le corps, c’est la lumière. La lumière de ta nudité ne fait plus seulement un corps nu mais la nudité de toute la vie ici toujours. La nudité de tout ce qui est le plus vivant. La peau qui résonne des milliers d’étoiles de ta voie lactée qui me ferment les yeux. Je ferme toujours les yeux pour mieux te voir nu parce que les yeux fermés je te voix dans tout l’espace du vivant. Ta nudité envahit ma nuit intérieure et toutes les nuits extérieures que fait le monde. C’est que le monde de ta nudité n’a rien à voir avec aucune image qu’il faudrait décrire. Ta nudité transforme toutes les nuits en lumière et tous les jours en nuits lumineuses. Ta nudité invente les jours et les nuits d’une lumière toujours nouvelle. La lumière de ta nudité la première et la dernière fois. Je ne peux que les confondre et ta nudité recommence. Comme la dernière fois, c’est la première fois.


Tes pas s’allongent et je m’essouffle. Ça s’orage, disent-ils par ici. Tu me le répètes quand rien n’apparaît. Oui ça apparaît. C’est toujours au loin mais c’est toujours très près. Toujours trop près et nous allons vite. Ils sont loin les orages qui enroulent tout dans leur colère. Tu sens toujours la colère qui gronde dans le monde. Juste à côté. Loin de nous mais si près quand il faudrait tout faire pour prévenir. Oui, ça gronde depuis longtemps et nous courons. Nous sommes essoufflés depuis bien des élections et des pérégrinations. Toujours tu sens l’orage et je m’essouffle à te suivre courir. Tu me prends la main et nous courons sur les premières flaques. Un jour tu es tombée et ça fait très mal. Tu te relèves toujours avec ma main dans ta main qui tire pour courir devant les orages. Les orages de toutes sortes qui défont les horizons de ceux qui cherchent la vérité. Tu sais seulement vivre vraiment avec les orages toujours près. Toujours loin et près à la fois. J’aime cette odeur qui devient la tienne. L’odeur de tes orages. De tes peurs qui tirent ma main plus fort pour courir avec l’orage dans le dos. Dans ton dos et je regarde l’orage pour te dire de courir encore. C’est toi qui me fais regarder l’orage et tenir dans ta main pour courir juste devant. L’orage approche. L’orage est notre course. Mon essoufflement. Tes pas qui s’allongent dans mon souffle. Je cours avec ton orage. Je cours dans tes pas. Dans tes pas qui allongent l’orage de mon souffle.


Tu dis que je ne comprends pas quand je t’attends depuis longtemps. On ne peut arrêter de chercher cette incompréhension. Cette compréhension qui ne peut jamais s’avouer. Avouer à l’autre cette attente. Te montrer ou toi me montrer que l’attente peut se réduire à des signes. Ni l’un ni l’autre ne pouvons réduire ces signes de vie à un code. Nous ne pouvons nous faire signe dans aucune langue ni grammaire ni conjugaison. Nous inventons chaque fois différemment langue, grammaire et conjugaison pour nous trouver à neuf, tout autre, vraiment. Pour retrouver ce commencement du nous qui jamais ne fait disparaître le tu de ton étrangeté. C’est cette étrange rencontre de ton inconnue qui augmente le désir. Qui augmente la retenue pour augmenter l’étrange. Pour que le face à face préserve ton étrangeté. Pour que tout le corps devienne visage dans le rougissement. Dans la rougeur qui monte du visage dans tout le corps du face à face. On ne se reconnaît plus derrière ce rouge de la pudeur qui augmente le désir de l’inconnu. De ton inconnue qui ne peut se montrer sans retenue. Sans la volubilité de la rougeur qui envahit le visage puis tout le corps et augmente la chaleur de la rencontre. Augmente tout ce qui fait relation dans le corps à corps du face à face. Dans le corps de ta pudeur et le visage de ma retenue. Dans le visage de ma pudeur et le corps de ta retenue. Tu ne comprends pas que ton appel reste sans réponse dans la réponse de mon appel. Mon appel que tu ne comprends pas. Que toujours tu entends sans comprendre. Que toujours j’entends sans comprendre cette incompréhension qui nous met dans le désir. Dans la réponse à l’appel incompréhensible de ta pudeur dans ma retenue et de ta retenue dans ma pudeur. Je te prends quand tu me prends. C’est ça, exactement ça, tu me prends quand je te prends.


Il y a dans la nuit ton cri. Tu le répètes au moins trois fois. Je ne l’entends qu’en m’affolant. Tu cries avec les étoiles. Tu cries avec ton ventre qui déchire. Je dors dans la surdité de l’écrasement. Je ne t’entends pas. Mais les étoiles traversent mon rêve. Les déchirements de ton ventre m’ouvrent les yeux. Je t’entends tomber. J’entends ton cri descendre me prendre. Dans la nuit éblouissante. Je m’accroche à ta chute. Tu tombes à la vitesse de mon réveil. Et tu m’emportes dans l’oubli de ton corps. Tu m’élèves dans tes jambes qui ne tiennent plus. Tes yeux ne peuvent voir derrière. Ils me renversent dans ton ciel très bas. Ils me voient au fond de tes étoiles. Je te crie que je viens. Tu ne réponds plus à mon vertige. Ton cri résonne longtemps. Et ton corps se réchauffe au mien. Mon corps s’engourdit quand tes yeux blancs m’éclairent. C’est que nous avons étreint notre mort. Ta vie tient à mon vertige que tu fais vivre. Tu vis dans cette nuit. Ta douleur crie à la mort. Ton cri ouvre au silence d’un sommeil. D’un sommeil plein d’étoiles. Elles filent jusqu’à notre lit. Dans nos nuits pleines d’un jour éblouissant où nous tombons. D’une obscurité vertigineuse où nous montons comme ton cri qui se hisse dans ma voix.




1 commentaire:

Anonyme a dit…

je trouve cela superbe ! une lecture qui regénère , à méditer !