mardi 26 mai 2009

Gestes sur la grève (3)


(Les faux dialogues)

La balle est tombée dans le château de sable. La nuit est tombée et la lune se lève. Les deux couples marchent. Ils errent aux limites de l'obscurité et des lueurs de la nuit, de tout ce qui dans la nuit atteint la profondeur.

Quand je pense : sous cette même lune : on peut être heureux : on peut être malheureux : le bonheur côtoie les plus grands malheurs : le malheur avec les plus grands bonheurs :  dans l'oubli des uns par les autres : dans leur coïncidence : dans l'ignorance ou le refus: le plus souvent dans l'indifférence.

Je ne vois pas : que fait la lune avec cette indifférence : tu ne vois pas la tienne.

Justement : j'essaie de t'en parler: de cette indifférence : de ce que je ne vois pas et que je te dis.

Tu es obscène : ce soir : rien ne nous presse : rien ne vient nous tirer hors de notre amour : cette lune te sers de prétexte: une lune de dérivation : viens, regarde la lune : la lune est blanche et innocente : et nous : nous sommes innocents la regardant : et je t'aime.

J'ai horreur de ces promenades du soir : regarde ce couple : j'ai l'impression de me voir jouant à l'amour : j'ai l'impression de nous voir sous un ciel serein et une lune qui s'étale : l'amour à la chantilly : voilà ce que je vois : il manque plus que les ombrelles.

Promenade digestive : ça vaut bien un avachissement : un avilissement devant un poste de télévision : un avachissement sur un lit au domicile conjugal.

Il manque plus que le chien : la vache : nous sommes tous domestiqués : domestiqués à point.

Tu devrais même ajouter : inimaginable : c'est inimaginable sur un espace aussi sauvage : il y a encore l'odeur.

Le bruit des vagues : enfin : pas ce soir : je te l'accorde : la mer est d'un calme.

J'aimerais voir cette lune : qu'elle se noie : qu'on la noie : on lui préfère d'habitude un soleil qui dans son sang se fige : quelque chose comme ça : de la crème sanguine.

Baudelaire : tu fais le beau : tu sais j'ai froid : tu ne veux pas rentrer : garde la lune dans tes rêves : nous aimer.

J'ai l'impression que les paysages : quels qu'ils soient : les paysages nous en remettent : du dualisme complètement étriqué : la lune froide, le soleil chaud : et puis la vraie nature, le vrai ciel : sur cette plage complètement fabriquée : oui, fabriquée dans nos esprits : fabriquée par tous les discours du loisir : les slogans du sea sun and sex : les Bahamas pour classe moyenne.

Pourtant cette lune : pourtant cette blancheur chaude : pourtant cette nuit : au bord d'une mer de classe moyenne : tout ce qui me fait me serrer à toi : je suis vraiment trop moyenne à ton goût : rentrons maintenant : rentrons comme tous les autres.

Tu n'es pas moyenne : tu n'es pas autre chose que ce que tu es : ni la lune : ni la nuit: ce que tu fais : ce que tu dis : sans savoir ce que ça me fait : ce que ça me dit : je te suis.

Ils se rentrent presque tous : tiens la balle : tu sais : la balle que je n'ai pas trouvé tout à l'heure : regarde : demain la mer aura enfoui le château : demain tu m'aimeras encore.

Une promesse d'amour : avec la mer comme témoin : un rêve de château : un rêve de sable : un château de sable qui tient tête : un château de sable qui tient à la marée.

Tu ne veux pas essayer : au risque de ne plus rêver : un petit tango aux pieds des vagues : viens me renverser.

Aucun commentaire: