samedi 13 avril 2019

Quatre regards perdus dans ta vue (au Kunstmuseum de Bâle)



cette boîte enferme
quel corps depuis 1521
avec sa mort vive 
comme si la couleur
ce vert de la mort ou
de quelle vie périssable
allait un jour envahir 
combien de regards
déjà la boîte ouverte
mais le drap plissé 
si blanc encore ou 
l’œil encore ouvert
et les cheveux et le sang
frais comme dégoulinant
des plaies ouvertes 
hier ou avant-hier
alors autorisée la main
sort du cadre ou encore
les muscles rebondis
presque bandés et les 
poumons respirent-ils
jusqu’à la bouche qui
crie je suis donc tu es
débout et bientôt tu 
m’allonges vois les pieds
bientôt comme lui
mais aujourd’hui en
2019

Hans Holbein, Christ au tombeau, 1521, Kunstmuseum, Bâle



et si la nuque lisait toute la pensée
d’un intempestif à l’écriture pincée
comme le pli de la joue car la pensée
se fait dans la bouche disait Tzara
mais Érasme écrit une lettre comme
tu lis un poème que je t’envoie avec
le sourire et la pensée qui file dans
ta voix toute la relation de se voir
de loin ton souffle dans ma nuque
les yeux fermés comme lui écrivant
de Rotterdam à Bâle je te suis libre
comme ce noir qu’on dirait un Manet

Hans Holbein, Érasme, Musée de Bâle




les pieds nus sur des Delft ce bleu
et tout le parme encadre quel corps
penché vers quel autoportrait tu 
me regardes dans un tryptique avec
ton dos qui se déhanche mais
le carré blanc du linge de toilette
t’agrandit pendant que je perds
mes yeux dans le vermillon qui 
remonte tes cuisses l’entrefilet
alors je me cache dans ton tub
comme si toute cette peinture
baignait nos corps dans l’eau
de tous les matins d’amour mal
ou bien réveillé je ne sais et toi

Pierre Bonnard, Nu à l’étoffe rouge (nu à la toilette), 1945, Kunstmuseum, Bâle.


c’est l’enroulement du vent
de l’histoire emmêlée à quel
emportement tu aimes te rapprocher
si serrée que tout ce bleu fait frissonner 
il annonce comme si la peur les yeux
ouverts ne pouvait empêcher les yeux
fermés mais nous pouvons encore
voir les variations lunaires des blancs
dans tout ce bleu tournoyant
tu rêves quand les yeux grand ouverts
font entendre quel morceau 
de Mahler entre ritournelle et
grande montagne symphonique
les mains étreignent quel vide blancheur
mais tu rêves encore et m’emmêles
comme la marche qui ouvre la cinquième
en fanfare de trompettes puis flûte seule
et le vent nous enroule vers quelle
mort vive pendant que l’histoire bat 
le rappel et la lune qui se voile 
dans tout ce bleu tournoyant

Oskar Kokoscka, La Fiancée du vent, 1913, Kunstmuseum, Bâle.

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