A propos du livre
d'Alexis Pelletier, Comment
ça s’appelle, Tarabuste, 2012.
Le titre fait
également la clausule. L’expression est interrogative ou assertive. Elle est
donc à la fois enfantine et savante, à la fois la visée d’un émerveillement
plus que d’un questionnement et d’une attention au faire du langage plus qu’une
visée ontologique. Ce qui renvoie immédiatement à l’art des références d’Alexis
Pelletier. Si vous n’êtes pas musicien, comment comprendre ces nombreux qui de
Charpentier à Webern en passant bien sûr par Schubert et combien d’autres
(Monk, par exemple) sans oublier Fischer-Dieskau et son pianiste Gerald Moore…
Et, tout aussi bien, si vous n’avez pas quelques références littéraires,
comment saisir « l’image-Baudelaire » ou le « SINGBARER REST » (reste chantable) de Paul Celan extrait de son Atemwende et les nombreuses autres citations de la
bibliothèque de l’auteur. Sans compter ce qu’on peut inférer tel ce « qui
suis-je pour dire je » qui fait résonner bien des poèmes de
Bernard Vargaftig dont je sais la forte affection poétique que lui porte Alexis
Pelletier. Et il y a « ô cher Apollinaire » ! Au musicien et
littérateur, il faut adjoindre l’amateur des peintres et des danseurs sans
oublier bien d’autres références à la chanson, aux aléas du monde comme il va
ou ne va pas. Mais ces références qui dessinent des constellations dans l’atlas
d’Alexis Pelletier ne seraient pas les réponses aux questions d’un enfant, d’un
lecteur, devant la merveille d’un ciel, d’un chant, d’un air, d’une danse, que
sais-je ? pas plus la boîte à outils d’un lecteur ou d’un penseur en
poésie ou littérature sur ses moyens d’expression ou sur les fins du langage…
Certes, les
références dans et par leur écriture comme circonstances ou affinités
électives, importent pour porter la merveille et penser ce que le langage nous
fait. Et elles se découvriraient en même temps qu’elles l’offriraient, la
merveille, ou qu’elles subjectiveraient ce qui se fait. Aussi, dans et par ces
circonstances et affinités emmêlées, le lecteur ne peut que s’élever et jamais
se sentir rabaissé puisqu’il n’est pas question de maîtrise mais d’un
« chant commun ». Mais les références et les affinités ne la font pas
tenir, la merveille ou le poème de la réflexion à voix haute. Comme l’auteur le
dit avec ce mot caché au départ, elles se cherchent dans et par un
je-ne-sais-quoi, un moment appelé peut-être « la mélodie ». Ou
encore : « dans la mélodie quelque chose » qui « danse
encore et encore ». Les références et les affinités ne suffisent pas pour
s’y tenir, à la merveille et au poème, « dans l’écriture / c’est-à-dire
dans notre amour ». S’il y a la visée du « maintien de la
langue », il ne s’agit aucunement d’une défense des « cadavres de
langue » mais d’une exigence d’« impulsion » – ce sont ses
propres termes – pour « que la phrase danse ». Avec des dangers tout
à fait conscients : que ce soient « le côté sentence »,
« le coup rabâché de la liste » et encore « la sophistique du
comme ». Alexis Pelletier ne mesure pas mais, en funambule du poème,
cherche sa tenue, sa retenue. Et s’il s’emballe dans l’élan du poème, il évite
les emballements de ceux qui savent sans penser ou pensent sans savoir.
La réflexion qui
soutient le chant, ou est-ce l’inverse, accompagne la recherche d’un
« état de suspens », alors même qu’il s’agit de
« marcher », de continuer à traverser les mots, les références, les
affinités : aucune stase même s'il y a des stations. Tout est passage dans une
pluralité principielle. Alors, c’est au bord d’une déréliction, ou souvent
l'effroi côtoie le désir, qu’apparaît alors « la voix » :
« c’est le silence entre les mots ». Ce livre nous fait vibrer
et écouter ses silences dans et par sa volubilité. Car, au cœur de ce livre que
des questions taraudent, mille et une, ce ne sont pas des réponses qui sont
attendues mais « notre chant commun », c’est-à-dire une relation.
Jusque dans son « agonisme » :
Et alors
comme tout se renverse
ça ne finit jamais
il n’y a pas dans l’écriture c’est-à-dire
dans notre amour de fin et c’est la force
que tu me donnes
On aura saisi la
tenue d’un tel livre : ses allures variées y concourant toutes avec force.
Sa teneur est sa tenue, une façon d’interroger et de partager références et
affinités : comment ça s’appelle.
Poème qui tient
parole :
ce qui est tu
n’est-ce pas
ce
n’est pas ce qui se tait
On peut lire aussi un autre livre d'Alexis Pelletier paru aux éditions de l'Amandier (compte rendu sur cette page: http://revue-resonancegenerale.blogspot.fr/2013/04/sur-une-voix-pleine-de-mains-tenues.html)
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