jeudi 15 mars 2012

Deux suites et un psaume : Alexis Pelletier joue poème


Alexis Pelletier, Comment quelque chose suivi de quel effacement, L’Escampette éditions, 2012.
Alexis Pelletier, PsalmMlash, gravures de Vincent Rougier, Rougier V. éd., 2012.


Deux suites comme deux moments d’un même mouvement qui demandent sans questionner parce qu’aucune réponse n’est exigée autre que d’accompagner
La voix cherche l’accompagnement ou la compagne, si l’on veut mais rien ne se décide et c’est peut-être l’accompagnement qui cherche sa voix.
La compagnie dans ces deux suites, ce sont les références : ces sorties qui n’en finissent pas de faire leur entrée en matière, en poème pour l’ouvrir, le déranger, le détourner, le faire tourner bourrique – c’est trop fort parce que ça reste dansé.
Le poème, il s’y retrouve dans ces dérapages, ces fugues et reprises, ces embardées et freinages pour toucher au cœur – au risque de s’effacer (ou de s’enfoncer ? de s’envoler peut-être bien également ?)
Mais si c’est quelque chose qui s’efface ou si c’est quelqu’un qui s’efface, c’est-à-dire si c’est quelqu’un qui se retient d’oser dire son désir jusqu’à la chose ? 
Ce qui est plus que certain même si le mouvement ne permet pas d’affirmer quoi que ce soit, c’est que ça ne saurait se dire quand bien même tout est dit, circonstancié, référencé – et c’est très précis comme des bonnes notes de bas de page sauf que c’est pleine page ou disons plutôt pleine voix, plein chant.
Une retenue volubile donc. Où s’emmêlent les cœurs et les choses, les corps et les causes, les cause toujours tu m’intéresses au pied de la lettre et les ça suffit je reprends depuis le début au pied de la note – mais ça se dirait da capo
Un recommencement avec ses couplets et son refrain ses rengaines et son poème. Un recommencement du poème à toutes ses étapes avec toutes ses histoires. Et si la mémoire flanche, le lapsus rattrape vite l’air qui de rien porte jusqu’à tout ne pas dire : ça s’entend tellement fort dans son silence même.
Ces deux suites d’un même mouvement où la forme sonate s’efface pour mieux faire entendre la petite musique sous la grande de nos phrases : le phrasé de nos vies et le silence des bruits du monde et les résonances des références et…
Parler de forme sonate pour les jeux de tons dans le poème : voisinages, éloignements, réexposition – mais la structure danse sa densité jusqu'à sauter comme un disque vinyle ou ce serait l'humeur, l'humour.

Ces deux suites d’une danse où la voix se voit dans son écoute : elle est toujours l’appel d’un alter ego et toujours l’accueil de son tu, de sa relation – reliance et racontage.
Sa reprise de voix fait son infinie diction d’un chant des chants : celui de sa fuyante qui fait battre son cœur : et il court les poèmes comme on dit les rues.

Alexis Pelletier en aurait écrit la partition pour que quiconque puisse les jouer, ces deux suites d’un même mouvement.

Et au même moment, sa doublure nous envoie ses psaumes : contre-chant ou déchantement pas forcément désenchanté ? Certainement : la petite voix qui peut grincer, crier, moquer, déraper, et surtout ornementer : bref, Mlash, ce « personnage d’ébauches » (Tarabuste, 1996) viendrait comme augmenter les risques de la voix dans ses suites non pour rendre tragique le poème et son mouvement d’écoute mais pour multiplier la doublure de chaque voix, de chaque répons, le tu de chaque je. On n’sait jamais : faut pas arrêter la musique…
Un CD avec le psalmiste doublant son Mlash est disponible : bref, Mlash accompagné par Alexis Pelletier dans son souffle psalmodié : vous allez chanter a capella : le poème est sans prothèse, sans thèse autre que sa muse, sa musique, sa Zipwé...

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